Votre organisation compte-t-elle beaucoup de « managers accidentels » ?

3 juillet 2025
Connaissez-vous le concept émergent de « manager accidentel » ? Ces personnes nouvellement promues mais pas formées à leurs nouvelles responsabilités représentent une part significative des managers… et un risque non négligeable pour l’organisation. Décryptage.
Le monde anglo-saxon se révèle d’une créativité sans borne quand il s’agit de créer de nouveaux concepts en marketing RH. Après la démission silencieuse (quiet quitting) ou consciente (conscious quitting), le coffee badging ou le « JOMO », place… aux « managers accidentels » (accidental manager).
En l’occurrence, la désignation d’une personne qui accède à des responsabilités managériales sans formation ni accompagnement, un peu par accident. Comment peut-on se retrouver soudainement propulsé à un poste de gestion ? Une promotion interne inattendue, le départ soudain d’un ou d’une supérieure, la restructuration d’une équipe ou la reconnaissance d’une expertise technique.
Ce terme vient de la firme britannique Chartered Management Institute (CMI) qui évaluait en 2023 que… 82 % des nouveaux et nouvelles managers du pays entraient dans cette définition !
On constate la prolifération au Royaume-Uni de managers non formés qui sont promus simplement parce qu’ils sont appréciés, compétents dans leur travail ou qu’ils se trouvent disponibles pour prendre des responsabilités – ce sont des « accidental managers » », écrit le cabinet RH.
D’après l’enquête de Yougov (auprès de 4 500 salariés et managers) qui a servi de base au concept, la moitié de ces managers accidentels ont été promu pour les mauvaises raisons, c’est-à -dire grâce à leur relations internes plutôt que grâce à leurs compétences et leur performance.
Syndrome de l’imposteur
Une enquête récente menée en France auprès de 600 managers par le cabinet Robert Walters vient corroborer cette réalité. 57% d’entre eux ne se sont pas sentis soutenus à leur prise de fonction et plus d’un tiers (35%) n’ont pas été formés. Pourtant, 7 répondants sur 10 ont demandé une voire plusieurs fois à suivre une formation pour exercer leur nouvelle fonction !
Un « cadeau empoisonné » affirme ainsi Coralie Rachet, directrice chez Robert Walters, pour qui cela peut représenter un coût caché pour l’entreprise : la perte de motivation et de performance de ces éléments. Sans compter la répercussion sur les personnes de leur équipe. 14 % des managers interrogés ont ainsi éprouvé un syndrome de l’imposteur lors de leur promotion. Un chiffre qui monte à 26 % chez les femmes !
Conséquence : selon une étude de Gartner menée l’an passé, un manager sur cinq « préférerait ne pas être manager si on leur donnait le choix » !
D’expert à débutant
Le management est une compétence, pas une promotion », rappelle en effet la philosophe Julia de Funès.
Habitués à exceller dans leur domaine d’expertise, ces néo-managers doivent en effet soudainement développer des compétences relationnelles, organisationnelles et stratégiques totalement différentes. La gestion des conflits, la conduite de réunions, l’évaluation des performances ou encore la prise de décisions difficiles deviennent leur quotidien sans préparation préalable.
Avec, à la clé, une perte d’identité professionnelle, passant du statut d’expert reconnu à celui de débutant dans un nouveau domaine de compétences.
Paradoxalement, le manager accidentel possède aussi des avantages uniques. Sa connaissance approfondie du terrain et des réalités opérationnelles lui confère une crédibilité technique indéniable. Il comprend les contraintes quotidiennes de ses équipes et peut identifier rapidement les dysfonctionnements organisationnels.
Toujours est-il que ce phénomène est amené à s’amplifier dans un marché du travail où la mobilité professionnelle s’accroît et où les métiers évoluent de plus en plus rapidement. L’enjeu réside donc dans l’accompagnement de ces transitions de carrière, par le biais de formation mais aussi de mentorat ou de coaching pour transformer ces « accidents » en succès managériaux.
