La surveillance au travail : un fléau pour un tiers des salariés

18 septembre 2025
Près d’un tiers des salariés se sentent épiés au travail selon une étude récente du logiciel RH ADP. Une pratique qui se traduit par une hausse du stress et, paradoxalement, une baisse de la productivité. Surprise : ce n’est pas la faute du télétravail ! Explications.
La surveillance des salariés au travail ne date pas d’hier… mais elle s’est dotée de nouveaux outils avec l’essor du télétravail et de l’IA.
Une entreprise dans l’immobilier a ainsi été condamnée en février dernier à une amende pour avoir filmé ses salariés en continu dans ses locaux avec un captage permanent de l’image et du son et pour avoir paramétré un logiciel qui comptabilisait le temps passé sur certains sites Web, pour ceux en télétravail. Une pratique trop intrusive selon le législateur.
Le logiciel RH et de paie ADP s’est intéressé à ce phénomène et ses conséquences au cours d’une vaste étude menée auprès de 38 000 collaborateurs dans 34 pays.
Le résultat marquant : près d’un tiers des répondants se sentent effectivement surveillés au travail.

La faute au télétravail ? On pourrait en effet croire que le fait de ne pas être au bureau sous le regard direct de ses collègues ou de son ou sa gestionnaire peut inciter un employeur à augmenter la surveillance. Pourtant… ce n’est pas le cas !
D’après l’enquête, il n’y aurait absolument aucune différence entre les salariés en télétravail et ceux qui se rendent au bureau.

La réalité est malheureusement plus triviale : le facteur principal qui explique la différence de surveillance entre salariés concerne… le sentiment de minorité de la personne. Plus un employé se considère comme une minorité et plus il y a de chance qu’il se sente épié au travail.

L’écart est particulièrement notable en Italie (de 61 % à 24 % entre les minorités et les non membres d’une minorité). Même s’il est présent à un degré moindre dans le monde entier, que cela soit aux États-Unis (43 % et 30 % respectivement), au Canada (41 % et 30 %) ou en France (41 % et 26 %).
Parmi les autres facteurs de surveillance, notons :
- L’âge : les salariés de moins de 40 ans se sentent plus surveillés (37 %) que ceux de plus de 40 ans (27 %)
- le niveau hiérarchique : les gestionnaires et leaders se sentent plus épiés

Des conséquences néfastes
Au-delà du constat, intéressons-nous aux effets d’une trop grande surveillance. D’une part, les salariés qui se sentent surveillés sont trois plus nombreux à ressentir du stress au quotidien dans leur travail. Parmi eux, 37 % sont en recherche active d’un nouveau travail – comparativement à 13 % pour les personnes qui ressentent du stress moins d’une fois par semaine.
Par ailleurs, les salariés « épiés » sont aussi trois moins nombreux à affirmer être très productif. À rebours de ce que l’on pourrait penser, surveiller ses équipes n’augmente pas leur productivité.
Il est faux de penser que pour être performants, les gens doivent être surveillés et contrôlés. En fait, c’est tout le contraire pour la très grande majorité des gens. La surveillance peut nuire à l’instauration d’un climat de confiance et d’autonomie », alerte Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des RH au Québec dans une tribune publiée en mars dernier.
Avant de poursuivre :
De manière générale, l’employeur devrait privilégier la mesure des résultats plutôt que la microgestion des processus. Par ailleurs, l’assiduité n’est pas synonyme de productivité. J’invite les organisations à adopter une posture de confiance envers l’ensemble des membres de leurs équipes, et de gérer l’exception au besoin. »
C’est aussi le message que cherchent à faire passer les experts de ADP dans leur rapport d’analyse :
Les employeurs peuvent rassurer les travailleurs inquiets en leur communiquant ouvertement et fréquemment les attentes. Les personnes qui comprennent clairement ce qu’on attend d’eux au travail sont 3,7 fois plus susceptibles de déclarer être hautement productifs ».
Autrement dit, l’important pour l’employeur est d’arriver à mesurer ce qui a de l’importance et que le salarié soit en capacité de faire évoluer cet indicateur de succès. Exemple : dans un restaurant, le nombre de commandes n’est pas un bon indicateur pour mesurer le travail d’un serveur. S’il n’y a pas de client, ce n’est pas de le faute du serveur ! Un bon indicateur serait plutôt le temps pour prendre une commande.
Dans tous les cas, on remarque que les politiques de surveillance généralisées semblent faire plus de mal que de bien, » concluent les chercheurs d’ADP.


