CV: Ne déclassez pas «l’inclassable»
Un CV atypique, laissant entrevoir un parcours inattendu pour un poste, est souvent rejeté automatiquement. Qu’arriverait-il si les recruteurs prenaient le risque d’oser s’ouvrir à la différence?
7 avril 2017
Mon dernier article, «Cherche clones désespérément», paru dans l’édition de septembre du magazine électronique FacteurH et traitant du clonage en recrutement, a suscité beaucoup de réactions et de commentaires de la part des lecteurs. Il faut dire que la problématique du clonage est d’actualité tout en étant sous-traitée par la communauté d’affaires.
C’est la raison qui m’a amené à approfondir ce thème en m’intéressant plus précisément aux profils atypiques.
En cherchant une définition du mot atypique, j’ai été interpelé par le synonyme «inclassable»: un atypique est celui qui diffère du type normal ou habituel. Qui est «inclassable».
L’inclassable!
Le terme inclassable décrit, en effet, parfaitement la première réaction, celle des premières minutes, que la majorité des recruteurs ou gestionnaires ont à la lecture d’un CV atypique. Ils le déclassent automatiquement en se basant sur des critères rigides et statiques de sélection. Particulièrement, par la crainte d’une prise de risque. Ainsi, on juge que, pour le poste, le profil ne correspond pas à la grille des exigences requises et face à un parcours inhabituel, des expériences hétéroclites, un cheminement irrégulier et des diplômes inadéquats, la sentence est sans appel: le profil est rejeté!
Ce candidat inclassable et atypique c’est l’infirmière qui se présente à un poste en ressources humaines, l’enseignant, à un poste de directeur des ventes, le directeur de production à un poste en marketing ou encore le chef cuisinier qui a décidé, par passion, à 45 ans, de faire des études en ingénierie et de postuler à un poste en génie civil. Tous seront jugés d’atypiques et inclassables. Cependant, je préfère qualifier ces profils d’uniques, originaux et différents plutôt que de profils atypiques.
Le génie des atypiques
Nombreuses sont les grandes histoires à succès dans le domaine de la recherche, des affaires ou de l’art mettant en vedette des personnalités à parcours atypiques. Albert Einstein s’est vu refuser l’admission à l’école polytechnique et n’a pas réussi à trouver un emploi durant plusieurs années, pensant même à changer de métier. Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des plus grands génies de l’histoire de l’humanité.
Jean-Claude Bourrelier, le président et fondateur du grand détaillant de quincaillerie français Bricorama, a décroché très tôt de l’école et a commencé à travailler à l’âge de 14 ans. Avec seulement un diplôme de charcutier en poche. Il lance à 29 ans son premier magasin de quincaillerie. Aujourd’hui, il gère l’un des plus grands groupes français. Ronald Reagan a eu plusieurs échecs dans sa carrière d’acteur avant de se trouver un emploi en communication, pour atterrir, enfin, à la Maison-Blanche.
Et la liste est longue: Steeve Jobs, Walt Disney ou encore le Québécois Pierre Péladeau, sont tous des profils atypiques avec, pour chacun, un parcours original et singulier. Le dénominateur commun de ces personnes c’est le fait d’être visionnaires, innovatrices et créatives avec des parcours atypiques.
L’atypique: visionnaire, innovateur et créatif…
Les entreprises ont souvent peur d’embaucher des profils atypiques, car elles se concentrent principalement sur le savoir et savoir-faire tout en négligeant le savoir-être. Pour les recruteurs, un candidat au parcours atypique est souvent difficile à cerner et à sélectionner sur papier: son savoir-être n’est pas mis en avant. En fait, il faut aller au-delà d’une simple lecture de CV, scruter les personnalités en profondeur et oser faire confiance à ces profils, car cela apporte souvent un sang nouveau à l’entreprise grâce à un nouveau regard sur sa gestion ainsi qu’une forte capacité d’adaptation.
Par ailleurs, et en observant le marché de l’emploi, on peut constater que ce marché vit une grande évolution qui fera en sorte que les parcours traditionnels et linéaires seront de moins en moins disponibles, ouvrant ainsi la porte à de nouveaux profils, dont essentiellement, les profils atypiques. En effet, plusieurs facteurs influant sur ce marché pourraient accélérer cette tendance. Il s’agit, par exemple, de la croissance du nombre de travailleurs autonomes, l’émergence de nouvelles technologies d’où de nouveaux métiers, la disparition de plusieurs métiers due à l’automatisation de processus, le vieillissement de la population, la mondialisation et la forte mobilité de la main-d’œuvre ou encore les attentes spécifiques des nouvelles générations Y, Z en matière d’emploi et d’environnement.
Et pour conclure…
Comme le souligne le spécialiste de la stratégie d’entreprise, l’américain Michaël Porter:
L’essence de la stratégie est le choix d’accomplir ses activités d’une manière différente de celle de ses concurrents.»
Être différent de ses concurrents, c’est aussi oser changer sa manière de recruter et d’être, ainsi, le pionnier d’une nouvelle façon d’envisager ses ressources humaines en sortant des sentiers battus du recrutement et en bannissant le clonage.
Il est vrai qu’aller chercher le candidat atypique doit être un risque en soi, surtout si l’entreprise a toujours basé sa politique de recrutement sur le clonage pur et simple. Mais, comme le rappelle la romancière américaine Erica Jong:
Ne rien risquer est un risque encore plus grand!»
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