Le COVID-19 remet au goût du jour le débat sur la neutralité du Web
12 juin 2020
Le 14 décembre 2017, la Commission fédérale des communications (FCC) procédait à un vote qui, pour plusieurs, sonnait la fin du principe de neutralité du net aux États-Unis. Cette décision risquait également d’avoir des impacts ailleurs dans le monde. Plus de deux ans plus tard, qu’advient-il de ce dossier si sensible et polarisant?
Le temps passe rapidement. Il y a maintenant plus de deux ans que le FCC votait le renversement des règles instaurées en 2015 par l’administration Obama en faveur du principe de la neutralité du Web.
Sans règle garantissant que chaque flux de données sera traité de façon égale, certains craignent que les fournisseurs Internet décident de ralentir l’accès à certains sites ou en favorisent d’autres avec lesquels ils auraient conclu des partenariats. Bref, on veut éviter un Internet à deux vitesses ou certains joueurs seraient privilégiés au détriment des autres.
Des lendemains difficiles
Comme plusieurs le prédisaient, les mois qui ont suivi la décision du FCC ont donné lieu à différentes protestations et batailles légales. C’est notamment le cas de la Californie, qui a réinstauré la neutralité du net, au désespoir de l’administration Trump qui a tout de suite menacé d’intenter des poursuites contre l’État.
Notons aussi le Save The Internet Act, proposé par les élus démocrates et approuvé à la Chambre des représentants en avril 2019. Ce projet de loi offre de restaurer les principes de neutralité du web qui prévalaient sous l’administration Obama.
La neutralité du Web en temps de COVID
Comme c’est le cas pour presque tout ce qui nous entoure, la crise de la COVID-19 a bien sûr influencé le débat sur la neutralité du Web. Fin mars, alors qu’une part grandissante des gens sont confinés à la maison, que le visionnement de chaînes de télé en continu fait un bond spectaculaire et que les 5@7 au bar sont remplacés par des 5@7 virtuels, les transferts de données explosent.
On commence alors à s’inquiéter de la capacité des réseaux à assurer de tels transferts de données. Assez rapidement, de gros joueurs comme Disney + et Netflix décident de réduire leur bande passante afin d’éviter la congestion.
Mais une question se pose : En cas de saturation des réseaux, doit-on continuer à traiter de façon égale tous les flux de données ? Devrait-on plutôt favoriser les applications comme Zoom et Microsoft Teams, qui permettent aux gens de travailler de la maison, au détriment de YouTube ou Netflix qui sont utilisés pour les loisirs ?
D’un autre point de vue, Zoom et Teams peuvent aussi être utilisés pour d’autres usages que le travail, tandis que Netflix peut constituer une bonne source de divertissement pour des personnes seules et isolées.
Dans ce contexte, il devient bien difficile de déterminer quels flux de données doivent être privilégiés. Néanmoins, les réseaux ont tenu le coup, contrairement à ce qu’appréhendaient certains opposants à la neutralité du net qui voyaient comme logique que « la télémédecine soit priorisée par rapport aux vidéos de chats ».
Des effets possibles
L’enjeu de la neutralité du net est donc loin d’être un dossier réglé. Et même si la bataille se joue présentement aux États-Unis, il faut rappeler que des effets pourraient se faire sentir partout.
Comme certains experts l’ont mentionné au début de cette saga, l’abandon de la neutralité du net pourrait avoir des effets sur les propriétaires de sites Web voulant que leur contenu soit consulté aux États-Unis. En effet, dans un contexte où un fournisseur de service pourrait décider de signer des ententes et de favoriser certains sites, un détaillant en ligne ou un producteur de contenu numérique pourrait avoir à débourser des coûts supplémentaires afin que son contenu traverse la frontière.
Cette situation pourrait s’avérer particulièrement problématique pour les plus petits joueurs. De plus, les difficultés économiques qui perdureront après la crise de la Covid-19 et certaines visées protectionnistes pourraient encourager cette façon de faire au fil du temps. Affaires à suivre donc.