« La gestion des conflits est un investissement essentiel sur sa culture d’entreprise »

12 mars 2025
Maé Ustarroz, consultante et coach en stratégies de gestion, vient de créer deux nouvelles formations sur la gestion de conflits et la culture de la collaboration dans un environnement multiculturel. Des sujets éminemment stratégiques pour la santé d’une organisation. Entrevue.
Les conflits en entreprise existent semble-t-il depuis la nuit des temps. Voyez-vous cependant une évolution dans leur nature ?
Maé Ustarroz : Je constate de plus en plus de conflits liés à la gestion intergénérationnelle. Typiquement, la génération X qui gère des « Z ». Une génération plus anxieuse mais qui cherche plus de flexibilité et un meilleur alignement entre leur travail et leurs valeurs.
Nous ne sommes pas sur les mêmes types de motivation que pour des personnes nées avant les années 1980. Ce qui peut provoquer des incompréhensions sur le marché du travail et amener, in fine, à des tensions.
D’où vient cet intérêt pour ce sujet de la gestion des conflits au travail ?
Maé Ustarroz : De mes expériences professionnelles. Plus précisément, et cela peut paraître paradoxal, de mon aversion pour les conflits ! J’ai un profil de communication marketing et, en 2014, je suis devenue directrice générale d’un grand centre d’escalade et de yoga. J’avais 27 ans et une cinquantaine de personnes sous ma responsabilité, avec beaucoup d’enjeux humains.
Alors que dans mes précédents postes, je n’avais que des objectifs financiers, là , je devais aussi gérer l’aspect humain. Ce fut une source de stress importante.
J’ai commencé à me faire accompagner et j’ai réalisé que je ne pouvais pas atteindre mes objectifs financiers sans maîtriser le vecteur humain. Au fur et à mesure que j’ai trouvé les bons outils pour m’aider, j’ai développé une passion pour le développement de cultures d’entreprise, pour la mobilisation interne et le fait de bâtir des ponts durables entre les équipes. Au point que c’est devenu aujourd’hui mon sujet favori !
Cette nouvelle formation s’adresse-t-elle ainsi en priorité aux managers, qui comme vous à l’époque, ont de la difficulté dans leur quotidien ?
Maé Ustarroz : En effet. Généralement, les personnes qui deviennent manager viennent d’un autre univers et n’ont pas étudié dans ce domaine. Elles se retrouvent propulsées dans ce rôle, sans souvent avoir les bases de ce nouveau métier. Ce qui déstabilise souvent, comme ce fut le cas pour moi. Cette formation vise à outiller ces personnes qui se retrouvent confrontées à une source de stress importante dans cette nouvelle position de gestion.
L’essor du télétravail est-il un facteur aggravant ou au contraire bénéfique en termes de gestion des conflits ?
Maé Ustarroz : Pour moi, c’est le télétravail peut agir comme un amplificateur des tensions. Si on fait du télétravail pour éviter ses collègues, on ne résout pas le problème. D’où la nécessité d’adapter nos cultures de travail et de créer de nouveaux rituels afin d’entretenir de saines relations de collaboration à distance.Il faut de la discipline et du cadre. Ce qui n’était pas forcément nécessaire quand tout le monde était au bureau, cela se faisait de manière informelle.
Vous faites également une formation sur la culture de collaboration pour des équipes multiculturelles. Un sujet lié à la gestion des conflits aussi.
Maé Ustarroz : Oui. Je le vois quand je travaille avec des clients qui ont des bureaux dans plusieurs pays. La distance liée au travail à distance ainsi que le facteur multiculturel peuvent entraîner une polarisation des avis et l’émergence de clichés. C’est un terrain parfait pour la naissance de conflits !
Avec les conséquences latentes : jugement des équipes entre elles, information qui ne circule plus, dysfonctionnement de l’organisation. D’où le gros enjeu sur la culture de la collaboration dans ce type de cadre.
Quelles sont les bonnes pratiques que vous conseilleriez pour gérer au mieux les conflits dans une organisation ?
Maé Ustarroz : Rationaliser l’émotion et planifier l’intervention. Le grand enjeu de la gestion des conflits concerne la préparation pour bien passer à l’action afin d’éviter de tomber dans un des extrêmes : à savoir l’évitement ou la confrontation  »émotive »
Généralement, les personnes que j’accompagne comprennent rapidement que les sujets étaient en réalité plus complexes qu’elles ne le pensaient et incluent non seulement des conflits de personnalités, mais bien souvent un contexte organisationnel, des enjeux de communication…et une multitude d’autres facteurs qui ont menés à la situation telle qu’ils la voient.
Les managers ne devraient pas considérer la gestion de conflit comme une perte de temps mais comme un investissement. Si on ne règle pas un conflit, il va revenir et avoir un impact négatif sur la culture de l’entreprise, la motivation des ressources et donc leur performance. Ce qui est bien plus dommageable encore.
