L’IA condamne-t-elle les perspectives d’embauche des jeunes diplômés ?

20 octobre 2025
Commençons-nous à sentir les premiers effets de l’IA sur le marché du travail ? Deux études venant des prestigieuses universités américaines Harvard et Stanford pointent un recul des embauches des jeunes diplômés dans les entreprises qui recourent le plus à l’IA.
« Des canaris dans la mine de charbon ? ». Tel est l’intitulé de la première étude, publiée par trois chercheurs de l’Université de Stanford, en Californie. À l’image du petit oiseau jaune qui servait de système d’alerte précoce aux mineurs en cas de toxicité trop forte d’une mine, les jeunes diplômés servent-ils de victimes précurseurs de l’IA sur le marché du travail ?
L’étude s’appuie sur les données d’ADP, le logiciel de paie américain, qui suit des millions de travailleurs dans des dizaines de milliers d’entreprises. Ces dernières montrent que, depuis fin 2022 et l’irruption de ChatGPT auprès du grand public, l’emploi global a connu une solide croissance… sauf pour les salariés en début de carrière ! Plus précisément dans les professions les plus exposées à l’IA, comme le développement de logiciel.

D’autres professions « cols blancs » sont également touchées comme les responsables marketing ou commerciaux. À l’inverse, les métiers plus manuels comme les soignants ou les agents d’entretien n’ont pas vu d’effet tangible.

Nos conclusions sont cohérentes avec l’hypothèse selon laquelle l’IA a cet effet sur le marché du travail, en particulier pour les travailleurs débutants », explique le co-auteur Bharat Chandar.
Pas d’impact pour les travailleurs plus expérimentés
Le constat n’est toutefois pas morose pour tout le monde. Selon l’étude, les travailleurs plus âgés ont un taux d’emploi qui se maintient voire augmente, même dans les domaines très exposés à l’IA. Explications possibles ? Ces salariés disposeraient de compétences que les IA peinent à reproduire. Ou bien qu’ils sont à des postes hiérarchiquement plus difficiles à supprimer.
Autre nouvelle rassurante : quand l’IA est utilisée pour augmenter les capacités humaines – plutôt que pour automatiser leurs tâches, le taux d’emploi a tendance à croître malgré tout.
Comment progresser sans pouvoir commencer à travailler ?
L’autre étude, signée par des chercheurs d’Harvard, fait le même constat. Elle a analysé des données plus lointaines, en remontant jusqu’en 2015. Résultat : de 2015 à mi-2022, l’emploi junior et senior a progressé régulièrement. Mais à partir de 2022, l’emploi junior a commencé à stagner puis à décliner !
Là encore, les auteurs n’ont pas vu d’effet pour les postes plus expérimentés. Raison évoquée : les tâches en début de carrière sont facilement automatisables par l’intelligence artificielle. Ce qui toutefois pose la question de l’érosion des échelons hiérarchiques. Si les jeunes diplômés ne peuvent plus avoir leur chance en début de carrière, comment peuvent-ils espérer progresser par la suite ?
Si l’IA affecte de manière disproportionnée les postes juniors, cela pourrait avoir des conséquences durables sur les grilles salariales universitaires, la mobilité ascendante et les disparités de revenus », préviennent les chercheurs.
En France, les chiffres de l’emploi tendent à corroborer également cette impression : 80 % des jeunes diplômés de grandes écoles avaient trouvé un emploi à la fin de leurs études en 2024… contre 86 % un an plus tôt.
Des signaux faibles qui sont à mettre en regard des annonces d’Accenture par exemple qui a annoncé la suppression de 12 000 postes, principalement aux États-Unis, pour les salariés dépassés par l’IA. Ou le géant du logiciel Salesforce qui ne va pas embaucher de nouveaux développeurs cette année du fait de la hausse de productivité grâce à l’IA.
Son fondateur, Marc Benioff, déclarait d’ailleurs en février dernier :
Nous sommes la dernière génération de dirigeant à  ne gérer que des humains. Je pense que chaque PDG à l’avenir va piloter à la fois des humains et des agents d’IA. »

