Que vaut Topics, le nouveau système de Google pour tourner la page des cookies publicitaires ?
3 février 2022
Le monde publicitaire va devoir se passer des cookies tiers, c’est une certitude. Mais quelle sera l’alternative à ces identifiants qui suivaient les internautes lors de leurs sessions en ligne ? C’est l’incertitude… alors que Google vient de présenter un nouveau système. Mise au point.
Petit retour en arrière pour rappeler le contexte. En 2020, Google s’engageait à supprimer les cookies publicitaires de son navigateur Internet, Chrome, le plus utilisé du marché (plus de 60% de part de marché). Une mesure déjà prise par ses concurrents Safari (le navigateur de Apple) et Firefox. L’ambition ? Faire du Web, un endroit plus respectueux de la vie privée.
De belles volontés certes… mais il fallait bien trouver une alternative pour que tout le monde s’y retrouve. Jusqu’alors, la forme de Mountain View faisait la promotion d’un nouvel outil, FLoC, dont nous avions déjà parlé ici ou là .
Le principe de FLoC (pour Federated Learning of Cohorts, en référence au « troupeau » ou à la « foule », flock en anglais) ? Le ciblage par cohorte ! Les internautes n’étaient pas ciblés individuellement mais par groupe ayant des centres d’intérêt similaires.
FLoC fait flop
Un procédé qui n’a pas convaincu les acteurs de l’industrie. Pour certains, il est encore moins protecteur de la vie privée et permet d’obtenir des informations supplémentaires par rapport aux cookies. Un comble. A tel point que la CMA britannique, le régulateur de la concurrence, avait annoncé en janvier 2021 l’ouverture d’une enquête pour savoir si ces changements ne constituent pas un abus de position dominante.
Devant la bronca suscitée, Google avait déjà averti qu’il allait repousser la date fatidique de fin 2022 pour la fin des cookies.
Et le 26 janvier dernier, Vinay Goel, le responsable produit de Google sur ces enjeux dévoilait une nouvelle proposition baptisée « Topics ». Dont voici un petit aperçu en vidéo :
Quels sont les changements concrètement ? L’idée est que les annonceurs pourront toujours montrer des publicités pertinentes aux internautes en fonction de leur historique de navigation. Mais contrairement aux cookies, les tiers (ainsi que Google semble-t-il) ne pourront pas connaître précisément les sites que ces derniers ont visité.
La navigateur va juste identifier des thèmes qui semblent intéresser l’internaute : le sport, les voyages, la musique etc. Ces thèmes (les topics donc) seraient stockés non sur les serveurs de Google mais sur la mémoire de l’appareil utilisé, afin de générer d’eventuelles publicités ciblées « pendant seulement trois semaines, avant qu’elles soient supprimées » prend soin d’ajouter le GAFA. Les internautes auraient la main sur les paramètres et pourraient désactiver la fonctionnalité.
De nouveaux cookies en somme, moins précis et renouvelés toutes les trois semaines, » résume cette infolettre.
Google précise que le projet n’est encore qu’au stade du concept et qu’il doit être discuté avec les professionnels de la publicité en ligne… afin de « déployer ces technologies d’ici la fin 2022 » malgré tout !
Des réactions mitigées
Les réactions ne se sont pas faites attendre. Pour le navigateur concurrent Brave, ce changement de nom ne résoud en rien les enjeux de respect de la vie privée. Un groupement d’éditeurs allemands, dont le géant Axel Springer, a pour sa part saisi la Commission européenne pour contester l’initiative.
Sur le site Petit Web, un acteur de la publicité en ligne, sous couvert d’anonymat critique :
Nous avons beaucoup travaillé sur le projet FLoC. Fondamentalement, Google n’a pas pris en compte nos critiques. Nous n’avons pas de réponse sur la façon de mesurer la fréquence des messages (capping) et la performance des campagnes. Google ne répond pas non plus sur la question de l’auto préférence. Ainsi, il continue de faire de la publicité granulaire dans ses domaines (Google et Youtube) et ne s’applique pas à lui même les règles de ciblage (350 segments d’audience pour le projet actuel) qu’il impose aux autres. Enfin, cette nouvelle proposition ne règle pas la question de savoir pourquoi Google supprimerait les cookies tiers. On ne voit pas en quoi cette mesure peut sécuriser la vie privée des gens. C’est Google qui décide de ce que le marché va avoir le droit de cibler. FLoC était déficient d’un point de vue technique, mais les acteurs pouvaient créer des segments. Là , c’est Google qui impose sa loi. ».
Le sevrage de la « drogue des cookies tiers » est décidement bien difficile…