Bilan RH 2017: Victoire de l’humain sur le robot (mais pour combien de temps encore?)
L’humain aura prouvé cette année encore sa supériorité sur le robot en se trouvant au cœur de tous les dossiers chauds du monde du travail (promotion de la marque employeur par les employés, élaboration de l’expérience recrutement, télétravail, etc.). Voici notre bilan RH de l’année 2017.
5 décembre 2017
1. L’intelligence artificielle en RH: beaucoup de mots, peu de concret
Le sujet est sur toutes les lèvres, aussi bien en congrès que dans les blogues et les articles RH. Et il semble faire l’unanimité: selon un sondage de OutMatch, 95 % des professionnels RH croient que l’analytique prédictive aiderait leurs efforts de recrutement.
Pourtant, rien ne bouge. Ou si peu. Un sondage publié au début de l’année par la firme Deloitte montrait que seulement 4 % des organisations utilisaient l’analyse de données en ressources humaines. La raison? Le sondage de OutMatch nous donne un indice: 66 % des professionnels RH n’ont pas accès aux données!
Andrée Laforge, vice-présidente expérience employé chez SYNTELL, nous expliquait le défi du recrutement prédictif:
Ce n’est pas demain que toutes les entreprises vont en faire. Les conditions ne sont pas réunies: les données ne sont pas là , ni en qualité ni en quantité.»
2. Une automatisation qui fait son chemin, malgré tout…
Si on écarte l’étape suprême du big data et du machine learning pour se concentrer sur les initiatives numériques plus modestes concernant l’automatisation des processus de recrutement, on constate que c’est une tout autre histoire.
Les firmes de recrutement développent à vitesse grand V leurs algorithmes maison, avec leurs options de match parfait entre les compétences des employés et la culture de l’entreprise.
En 2017, on aura ainsi vu fleurir les tests en ligne de personnalité, ainsi que la première solution québécoise d’entrevue préenregistrée en ligne (voir notre article sur le sujet).
Tout pour faire épargner du temps aux recruteurs et aux entreprises!
3. L’année où l’employé a été promu recruteur
La firme américaine Teamable a pour sa part décidé de pousser l’expérience de l’automatisation un pas plus loin, en demandant aux employés de fournir à leur employeur leur liste de contacts professionnels et personnels (LinkedIn et Facebook) pour accélérer le processus de présélection de candidat (nous en parlions ici).
On sait tous que les références font de bonnes embauches… On n’a pas toujours le temps de solliciter notre réseau chaque fois qu’un nouveau poste est ouvert. Pouvez-vous prendre 30 secondes et nous transférer vos contacts…», a expliqué la fondatrice Laura Bilazarian à l’émission The Pitch.
Conséquence: la réalité des travailleurs a complètement changé en quelques années. En plus des tâches courantes, on s’attend désormais des professionnels qu’ils cultivent activement leur présence en ligne pour faire la promotion de leur carrière ou de la marque de leur employeur.
4. Quand «l’expérience recrutement» en prend pour son rhume
En début d’année, la firme de ressources humaines Proxima Centauri annonçait parmi ses tendances 2017-2020 que l’élaboration d’un volet «expérience recrutement» allait éventuellement remplacer «l’expérience candidat».
Voici comment Proxima Centauri entrevoyait cette expérience:
L’expérience candidat est remplacée par l’expérience recrutement, où tous les candidats sont des ambassadeurs de la marque et des clients. Chaque étape du processus devient une occasion de solidifier sa relation, de développer son réseau et de faire vivre les valeurs de l’organisation.»
La firme conseillait alors de «diminuer la frustration des candidats qui n’entendent plus parler de vous après avoir postulé» et de «privilégier des processus plus accélérés ou plus clairement communiqués».
De judicieux conseils qui, malheureusement, sont tombés dans l’oreille d’un sourd en 2017. Lorsqu’on suit avec le moindrement d’attention les échanges RH sur LinkedIn (où les langues se sont déliées, depuis que le décorum a pris le bord avec l’implantation du nouveau fil d’actualité… nous en parlions ici) on constate que la frustration ne va qu’en grandissant entre les candidats et les recruteurs.
D’une part, les candidats sont de plus en plus nombreux à subir un traitement silencieux quand leur profil ne convient pas. D’autre part, des recruteurs se plaignent maintenant que des candidats leur font faux bon en plein processus d’embauche.
(Pour ceux qui doutent de cette frustration grandissante, il suffit de jeter un coup d’œil à la vidéo de la coach Yvane Le Dot, qui invitait les candidats à soumettre leurs questions aux recruteurs. La deuxième question retenue et adressée aux recruteurs: «Pourquoi les recruteurs ne répondent pas à vos appels et vos courriels?»)
5. Les évaluations annuelles: définitivement out!
Pendant que la chasse au talent se poursuit… le paysage RH continue lui aussi de changer à l’intérieur des organisations. Une rumeur entendue au Congrès RH 2017 a été confirmée par plusieurs intervenants RH interviewés cette année: les évaluations annuelles sont out, définitivement out!
Par quoi les remplacer? La rétroaction semble être le maître mot. En continu. Sur une base régulière. On rencontre ses employés de manière informelle. On en profite pour leur demander si tout se passe bien, tout en donnant de la rétroaction sur leur prestation de travail.
Vos employés Milléniaux seront ravis: ils adorent recevoir des commentaires, tant que ça reste cordial et constructif.
6. Le dilemme du télétravail irrésolu
Une autre grande question de 2017 aura été le télétravail. Est-ce bon, est-ce mauvais? Certains y voient la solution à tous les maux de la vie moderne, y compris celui de concilier la vie de famille avec une carrière exigeante. Et il faut l’admettre, le télétravail comporte des avantages indiscutables (voir ici), à commencer par tout le temps de transit que l’on récupère en restant chez soi.
Toutefois, on constate que ça vient avec des côtés sombres qui sont moins discutés: entre autres l’isolement, ajouté à l’effacement de la séparation entre la vie privée et le travail et le désengagement envers les collègues de travail.
Des voix s’élèvent pour souligner que ce mode de fonctionnement n’est pas une panacée. Le psychologue organisationnel Jean-Baptiste Audrerie sonnait récemment l’alarme sur la difficulté de mobiliser des équipes de travail, dont les membres sont isolés dans leur domicile.
Le télétravail creuse souvent un déficit relationnel […] Les aspects informels du travail, tels que les discussions de couloir et les rencontres impromptues entre collègues favorisent le partage d’expériences. Ces rencontres s’observent plus rarement en ligne. Et certains problèmes complexes ou hautement politiques sont presque impossibles à solutionner via texto et dans de longues chaînes d’emails», expliquait-il dans un article publié sur Futurs Talents.
Devant cette question qui demeure ouverte, l’année 2018 nous apportera sans doute d’autres éléments de réponses!