Comment réinventer son expérience client en misant sur la donnée et le numérique
10 février 2020
Nous avons interrogé Stéphane Goyette, chef de la transformation numérique au sein de CAE, sur la nouvelle stratégie de l’entreprise pour réinventer l’expérience de ses utilisateurs grâce aux données.
Rappelons tout d’abord que la compagnie est le leader mondial dans la formation de pilotes aériens. Plus de 220 000 membres d’équipage y sont formés tous les ans ! Elle compte plus de 9 000 salariés dans 35 pays, dont 3 500 à son siège de Montréal.
Pouvez-vous nous expliquer comment CAE a mis en place sa nouvelle stratégie de recentrage sur le client ?
Stéphane Goyette : Déjà, il faut rappeler que CAE était davantage connu auparavant pour être un manufacturier de simulateur de vols, qui reproduit à l’identique l’environnement d’un vol.
Au début des années 2000, on a amorcé un virage vers les services de formation et de façon encore plus prononcée sur ces quatre dernières années. Au point que cela représente aujourd’hui 60 % de notre chiffre d’affaires !
CAE est une entreprise qui a toujours été reconnue pour son caractère innovant et hautement technologique. Il est ainsi assez étonnant de parler de transformation numérique… mais on a décidé de franchir une nouvelle étape en la matière en étant davantage centré sur l’expérience de nos clients. On a pris ce virage il y a un peu plus d’un an.
C’est-à-dire ?
S. G. : L’idée était de mieux connaître nos clients par une approche de design thinking, avec des personas, afin de comprendre leurs parcours. Cela nous a permis de mieux cerner qui étaient nos clients et quels étaient les potentiels d’amélioration, tant dans un objectif de rétention que d’identification de nouvelles opportunités d’affaires.
On a donc créé un véhicule qui s’appelle l’accélérateur numérique, doté de 80 personnes aujourd’hui mais qu’on est en train d’étendre à 380 personnes bientôt. On s’est attelé pour commencer à l’environnement de l’aviation civile, avec les compagnies aériennes comme Air Canada ou Air Transat par exemple.
L’objectif, c’est d’améliorer l’expérience de formation pour les pilotes mais aussi pour les instructeurs ou les décideurs. Car, au final, notre mission, c’est de former les pilotes pour assurer une meilleure sécurité aérienne.
Pouvez-vous nous donner des exemples de réalisations concrètes ?
S. G. : Tout à fait. Quand on pense client, on découvre plein d’inefficiences sur son parcours, notamment administratives. Il faut savoir en effet qu’on est dans un métier hautement réglementé, où le risque doit être nul. On vit dans cette réalité.
Ainsi, quand on prépare un pilote pour l’envoyer dans un simulateur ou une salle de classe pour une formation, il faut prévoir un ensemble de processus d’autorisation auprès des autorités réglementaires.
Tel pilote doit recevoir telle formation, à tel moment, avec telle compétence reçue. Nous, on doit lui assigner tel instructeur, à tel moment. Il y a donc un ensemble de coordination qui se fait entre les compagnies aériennes, les autorités réglementaires et nous.
Imaginez : juste d’envoyer le formulaire, ça pouvait nous prendre 16 jours de coordination ! Et s’il y avait une erreur, il fallait recommencer du début ! Sans compter les pertes de productivité de tout le monde. Sachant, en bout de ligne, que chaque indisponibilité de pilote a un impact sur les opérations et donc les résultats des compagnies.
On a donc développé une application pour que toutes les parties prenantes puissent interagir de façon fluide. En optimisant ce processus administratif, on a ramené cela à… quelques heures seulement !
Combien de temps de développement est-ce que cela vous a pris ?
S. G. : Le développement de l’application n’a pris que 12 semaines. On a bien compris leur besoin : ils nous ont dit ce qui avait le plus de valeur à leurs yeux, notre champ d’application était donc très précis et on a pu apporter une solution rapide. Sachant que l’on fonctionne en mode itératif et on continue de récolter les retours des clients.
On a également conçu une nouvelle application pour recueillir toutes les données du simulateur, lors de formations de pilotes, afin de les retrouver immédiatement sur une tablette pour l’instructeur et de pouvoir faire un suivi encore plus précis.
Photo : le système de formation CAE RiseMC
Est-ce que cela a nécessité de nouvelles compétences ?
S. G. : En effet, on est en permanence en recherche de nouveaux talents (data science, designer UX etc) sachant qu’on anticipe qu’il va manquer 300 000 pilotes d’ici les 10 prochaines années, juste dans l’aviation civile. Le marché est en surchauffe importante.
Donc, oui on intègre de nouveaux talents mais il faut bien voir que 80 % de la transformation, c’est d’apprendre à réfléchir d’une nouvelle façon. Autrement dit, de ne pas penser à la solution mais au problème que l’on veut résoudre, de penser à qui on s’adresse et quels sont leurs besoins. Ce n’est pas si naturel dans un monde d’ingénierie et manufacturier.
En fait, l’accélérateur numérique joue un double mandat : à la fois délivrer des expériences qui peuvent avoir de l’impact sur les clients. Et à la fois, être un agent de transformation pour changer les façons de faire au sein de CAE, avec une approche centrée sur le client.
Je suis dans une industrie où l’on manufacture des avions en 15 ans. Et aujourd’hui, on travaille sur des MVP (produit minimum viable) en l’espace de 12 semaines ! C’est un changement culturel spectaculaire.