Pourquoi Google repousse l’abandon des cookies et ce que cela change pour les marketeurs ?
12 juillet 2021
Les publicitaires et autres éditeurs de sites qui se rémunèrent par la publicité en ligne ont poussé un ouf de soulagement à l’annonce de Google, jeudi 24 juin, de revoir son calendrier de suppression des cookies tiers de son navigateur Chrome. Mais n’est-ce pas reculer pour mieux sauter ?
Pour bien comprendre de quoi on parle et les enjeux de ce sujet complexe, voici quelques explications pratiques.
- C’est quoi les cookies tiers ?
Commençons par un rappel. Les cookies, aussi appelés témoins de navigation ou traceurs en bon français, sont des petits fichiers texte qui collectent les données de navigation des internautes. Ils peuvent avoir de nombreux usages comme l’identification d’un internaute, la sauvegarde de ses préférences… mais aussi à établir son profil et voir s’il a vu ou cliqué sur telle ou telle publicité.
Autrement dit, d’affiner le ciblage publicitaire des éditeurs de sites, en permettant de vendre des espaces publicitaires personnalisés.
Ce sont eux qui sont par exemple responsables des publicités de chaussures ou de pots de peinture qui vous suivent après que vous ayez visité des sites… de chaussures ou de pots de peinture !
- Pourquoi sont-ils menacés ?
Même s’ils existent depuis quasiment l’origine du Web, ils ont toujours été controversés. Qui plus est dernièrement alors que le respect de la vie privée et de la confidentialité des données prend de plus en plus d’ampleur dans la société.
L’Europe ou la Californie ont par exemple pris des mesures ces dernières années pour réguler leurs usages et mieux informer les internautes sur leur présence. Leurs partisans, les éditeurs de sites qui se financent grâce à la publicité notamment, indiquent pour leur part qu’ils sont nécessaires à leur modèle économique et permettent ainsi de donner accès gratuitement à leur service.
- Quid de Google dans cette affaire ?
Le 14 janvier 2020, Google créait la surprise en annonçant son intention d’éliminer progressivement ces traceurs de son navigateur Chrome.
L’objectif est de rendre les cookies de sites tiers (qui ne proviennent pas du navigateur utilisé mais du site visité) obsolètes d’ici à deux ans », écrivait dans un billet Justin Schuh de Chrome Engineering.
A ce moment, le géant de Mountain View n’a pas précisé comment il comptait les remplacer, en expliquant juste « y travailler activement ». La firme avait toutefois dévoilé les contours de sa « Privacy Sandbox« , une suite d’API ouvertes permettant la diffusion de publicités ciblées tout en restant respectueux de la vie privée des internautes.
Mais le 24 juin dernier, nouveau coup de tonnerre : Google annonce dans une note de blogue qu’il a besoin de davantage de temps pour tester et déployer son nouveau système. La nouvelle échéance fixée ? Mi-2023.
Si des progrès considérables ont été réalisés dans le cadre de cette initiative, il est devenu évident qu’il nous faut plus de temps pour bien faire les choses à travers tout l’écosystème, » explique Vinay Goel, Directeur de l’ingénierie sur ces questions de confidentialité.
- Comment prendre cette nouvelle pour les publicitaires ?
Le monde publicitaire qui vivait dans le flou depuis cette première annonce de 2020 semble soulagé. A l’image du groupe publicitaire français Critéo, spécialiste du reciblage publicitaire :
L’annonce d’aujourd’hui est une très bonne nouvelle pour toutes les personnes qui comptent sur un Internet ouvert, dynamique et sain. Nous sommes sensibles à la décision de Google qui accorde plus de temps à l’industrie pour se préparer, bien que ce délai supplémentaire n’influence en rien notre stratégie. »
Il faut dire que les obstacles se sont multipliés sur la route de Google. De nombreux navigateurs concurrents de Chrome ont rejeté la méthode de ciblage par cohortes que proposait le GAFA. La compatibilité des nouvelles solutions avec la RGPD européenne posait aussi question. Enfin, certains soupçonnaient la firme de profiter de la situation pour renforcer encore plus son emprise sur le marché de la publicité en ligne en favorisant ses intérêts.
Une question toutefois se pose : est-ce que ce report changera fondamentalement le cours des événements ?
Personne n’a voulu contribuer à un projet qui ne convenait vraiment qu’à Google et je ne suis pas sûr que cela change en retardant les choses », s’interroge Matthieu Roche, fondateur de la solution d’identification ID5 en entrevue au Journal du Net.
N’était-ce pas une façon pour l’industrie de repousser simplement la priorisation de ce sujet, après une année déjà riche en rebondissements ? Affaire à suivre.