Managers : comment sortir de la crise actuelle ?

2 février 2025
Les temps sont durs pour les managers, clame-t-on sur toutes les tribunes. SurmenĂ©s, Ă©puisĂ©s, ils font face Ă une gĂ©nĂ©ration dâemployĂ©s qui refusent toute forme dâautoritĂ©. Pour sortir de cette impasse, Anne-Sophie Michel, formatrice Isarta, propose de revenir aux fondamentaux de la gestion. Entrevue.
Isarta Infos : Ă travers votre pratique, observez-vous cette fameuse crise de la gestion dont plusieurs parlent ?
Anne-Sophie Michel: Absolument. RĂ©cemment, j’ai animĂ© un groupe de 25-30 personnes dans le domaine manufacturier, tous des managers. Ils rencontraient justement beaucoup de difficultĂ©s Ă recruter des nouveaux superviseurs, donc des nouveaux managers.
Le travail de manager est rendu excessivement compliquĂ©. Jâentends des histoires dâemployĂ©s qui sâabsentent quand bon leur semble, dans un contexte oĂč la chaĂźne de production doit ĂȘtre planifiĂ©e de maniĂšre trĂšs serrĂ©e.
DâoĂč vient le problĂšme, selon vous ? Des employĂ©s qui refusent de se faire commander ou des managers qui sont mal outillĂ©s ?
A.-S. M: Les deux. Avant, la gestion se faisait beaucoup dans un mode autoritaire. Si tu nâĂ©tais pas content, on te rĂ©pondait dâaller voir ailleurs. Aujourdâhui, on ne peut plus dire ça… car lâemployĂ© va vraiment aller voir ailleurs !
Nous sommes dans une transition du leadership autoritaire vers un leadership plus humain. Si tu n’as pas le volet humain, tu n’auras pas la performance. Le problĂšme, câest que les nouveaux managers ne sont pas bien formĂ©s, ou sâils le sont, on ne leur donne pas dâaccompagnement par la suite, dans leur rĂŽle de managers.
Quelles sont les compétences à aller chercher, comme nouveau manager?
A.-S. M: Tout dâabord, rappelons quâĂȘtre manager, câest un mĂ©tier en soi. Ce n’est pas parce quâun employĂ© est le meilleur professionnel ou le meilleur dans son mĂ©tier quâil est nĂ©cessairement capable d’ĂȘtre gestionnaire. Il doit possĂ©der ou dĂ©velopper des compĂ©tences relationnelles. Comme lâĂ©coute active, par exemple.
Un ami manager m’expliquait que, depuis un an, un de ses meilleurs employĂ©s avait un important changement de comportement â quâil nâĂ©coutait plus, quâil Ă©tait moins performant etc. J’ai alors demandĂ© Ă mon ami s’il s’Ă©tait assis avec lui pour savoir comment il allait. Et la rĂ©ponse a Ă©té⊠non !
Les managers doivent dĂ©velopper un mĂ©lange d’empathie, d’Ă©coute active, de relation humain Ă humain, pour ĂȘtre capables de dire : « regarde, je suis lĂ , sâil y a quoi que ce soit, sinon, je te pointe vers les bons outils pour que, au final, tu ailles bien, pour que tu puisses faire ton travail, pour qu’ensemble on atteigne nos objectifs. »
Que peuvent faire concrĂštement les organisations pour aider les managers Ă tendre vers ce leadership plus humain ?
A.-S. M : Ce qui manque beaucoup, c’est de l’accompagnement. On ne peut pas enseigner et dĂ©velopper des habiletĂ©s relationnelles juste en Ă©coutant quelqu’un parler. Ăa prend absolument du coaching, de l’accompagnement dans la vraie vie, donc dans le milieu de travail.
Le coaching, c’est l’occasion de faire de la rĂ©troaction sur ce qui s’est passĂ©, pour dĂ©gager les bons coups et les leçons apprises. Mais c’est aussi pour planifier des stratĂ©gies, afin de surmonter les difficultĂ©s qui vont se prĂ©senter dans le futur.
Un autre aspect de la «crise» des managers est quâils sont tous trĂšs dĂ©bordĂ©s… Que peuvent-ils faire pour garder la tĂȘte hors de lâeau ?
A.-S. M : Jâaborde cet enjeu dans une formation oĂč jâenseigne des techniques de gestion de projet trĂšs concrĂštes, comme la planification et la priorisation de tĂąches.
Souvent, les gens ont lâimpression que la gestion de projet concerne uniquement les trĂšs gros projets, alors que, au fond, câest de lâorganisation du travail. En formation, jâaide les managers Ă dĂ©cortiquer ce quâils ont Ă faire pour le voir comme de petits projets. Pour obtenir un leader « idĂ©al », on a besoin des deux volets : la performance et l’humain.
