Ces entreprises et professionnels qui disent non à l’IA générative Reviewed by Philippe Jean Poirier on . 7 mai 2025 À travers le déluge d’appels à rapidement adopter l’IA générative, des voix se font entendre pour manifester leurs réticences face à une technologie 7 mai 2025 À travers le déluge d’appels à rapidement adopter l’IA générative, des voix se font entendre pour manifester leurs réticences face à une technologie Rating: 0

Ces entreprises et professionnels qui disent non à l’IA générative

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7 mai 2025

À travers le déluge d’appels à rapidement adopter l’IA générative, des voix se font entendre pour manifester leurs réticences face à une technologie qui, à l’heure actuelle, a encore beaucoup de failles. Récemment, une agence a annulé une initiative interne de photo à l’IA générative. Nous avons voulu mieux comprendre pourquoi certains préfèrent passer leur tour.

Commençons par un mea culpa. Je fais partie de ceux qui continuent de ne pas voir ou comprendre l’utilité de l’IA générative comme aide à la rédaction, à ce moment-ci de son évolution. Bien sûr, elle peut écrire des courriels laborieusement promptés, résumer très approximativement des réunions, mal citer des sources, etc.

Et non, je ne vois pas l’intérêt d’engloutir tout mon temps à entraîner un assistant personnel qui, dans six mois, deviendra obsolète face aux solutions dix fois plus performantes des grands joueurs mondiaux.

Et même lorsque la performance sera au rendez-vous, la question ne sera pas entièrement réglée. Demander à des robots de parler, de communiquer, d’interagir, d’entrer en relation à notre place; s’exposer à un déluge de publicité, de nouvelles, de films, de chansons générés à l’IA… Est-ce bien ce que nous voulons ?

Médiocrité

Bien sûr, je ne suis pas le seul à poser ces questions. Certaines entreprises ou professionnels remettent en cause l’utilisation de l’IA générative, en totalité ou en partie. Récemment, l’agence de marketing numérique Click & Mortar a décidé d’abandonner une initiative interne de photo d’employés générée avec l’IA. Malgré les «visuels bluffants», le gain de temps de ne plus avoir de séances de photo et l’économie du montant à verser à un photographe.

Très vite, la réalité terrain nous a rattrapés… a expliqué Gabriel Tassé, CEO de Click & Mortar sur LinkedIn. D’abord, des doutes [ont été] exprimés par l’équipe sur la gouvernance des données : Où vont ces photos ? À quoi servent-elles après ? Qui contrôle quoi ? Puis un deuxième niveau de retour, plus profond et plus inattendu : en éliminant les séances photo, on avait supprimé un rituel d’intégration. Ces moments – où l’on pose ensemble, où l’on rit un peu, où l’on se rencontre – jouaient un rôle invisible, mais fondamental. Ils créaient des liens. Ils donnaient une texture humaine à l’onboarding dans notre organisation. »

Dans ce cas précis, l’IA a donc été abandonné même si elle faisait gagner 95 % en productivité. En lançant un appel sur LinkedIn, d’autres professionnels ont levé la main pour manifester leur malaise.

Le formateur en copywriting Charles Saliba-Couture a pointé vers sa politique de rédaction « sans IA ». Tous les arguments y passent, allant du flou entourant les droits d’auteur aux biais de rédaction. Ce qui a le plus attiré mon attention est le dernier point : « L’IA produit des textes médiocres. »

Je sais que plusieurs me diront : “C’est parce que tu n’utilises pas les bons prompts.” Ou encore : “L’IA n’est qu’un outil. Les textes générés par l’IA te donnent un premier jet à retravailler.” Mais de mon expérience, même avec les meilleurs prompts, les textes proposés par l’IA sont médiocres. Quand on y pense, ce n’est pas surprenant : l’IA se nourrit du contenu qu’elle trouve sur le Web et la majorité de ce contenu est… médiocre, » indique-t-il.

« Des valeurs d’éthique professionnelle et de qualité du travail que je ne mettrai pas de côté »

Dans un autre domaine professionnel, Josée Landry, conseillère en orientation organisationnelle, mesure elle aussi les limites de cet outil unanimement reconnu comme « révolutionnaire » :

J’ai vu arriver plusieurs technologies depuis le début de ma carrière, convient-elle. Je ne suis pas contre, par exemple, l’utilisation des tests psychométriques en ligne, qui ont grandement facilité et accéléré le travail, en plus de rendre les résultats encore plus précis, réduisant les risques d’erreurs que nous avions avec le calcul par l’humain. Toutefois, je résiste à la rédaction par l’IAG qui, à mon avis, dénature et lisse toutes les rédactions que je lis depuis l’accès universel à cette technologie. »

La conseillère en orientation doit écrire des rapports d’évaluation adaptés à la personne évaluée, au mandat et au contexte précis.

Il faut faire preuve de nuances, de rigueur, de précision, de délicatesse même. À mon avis, l’IAG fait perdre tout cela au profit de la rapidité de production. Pour moi, il s’agit de valeurs d’éthique professionnelle et de qualité du travail que je ne mettrai pas de côté. »

A-t-on raison de craindre ce mouvement du « tout à l’IA générative »? Peut-être que non. Peut-être s’agit-il seulement d’une phase de transition, après quoi tout le monde en ressortira plus agile et performant.

Toutefois, il est désolant de voir l’obsession de certains à uniquement concentrer leurs efforts au déploiement de cette technologie, alors que d’autres technologies matures sont encore sous-exploitées (par exemple, l’IA prédictive ou l’automatisation).  

Un dossier à suivre !


A propos de l'auteur

Philippe Jean Poirier est un journaliste qui se passionne pour les mots, l’écriture, la recherche, la collecte de témoignages, les tendances sociétales et les raisons souterraines qui alimentent l’actualité. Email: pj_poirier@isarta.com

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