Avec l’automatisation, que sera le futur du travail… et de la fonction RH ?
Dr John Boudreau et Ravin Jesuthasan, les auteurs du récent ouvrage Reinventing Jobs, étaient réunis pour parler de leurs travaux sur le futur du travail. Petit voyage dans l’avenir.
L’Ordre des CRHA avait convié deux grands conférenciers en ouverture du Congrès RH : Dr John Boudreau, professeur de gestion et directeur de recherche au Center for effective organizations de l’université de Californie du sud (finalement présent en visioconférence à cause d’un problème d’avion la veille) et Ravin Jesuthasan, directeur général chez Willis Towers Watson.
Ces derniers venaient présenter les conclusions de leur nouveau livre, justement appelé Reinventing jobs : a 4-Step Approach for Applying Automation to Work. Leur conclusion majeure ?
L’avenir du travail ne réside pas dans le remplacement des humains par l’automatisation mais plutôt dans la réinvention des emplois, pour créer une combinaison optimale de collaboration entre les personnes et l’automatisation, synthétise Dr John Boudreau.
Pour eux, le monde en mutation qui se présente est un fantastique vecteur d’opportunités pour créer de nouveaux systèmes et cadres de travail.
La mutation du travail dans le temps
Les auteurs ont commencé par rappeler les différentes révolutions industrielles qui se sont produites dans l’histoire récente de l’humanité jusqu’à présent.
La deuxième, historiquement fin 19e – début 20e siècle, peut être appelée « la chaîne de montage », en lien avec le Fordisme par exemple, et correspond à un accroissement du travail.
La troisième, des années 1960 à 1990, qu’ils appellent la « Nikefication », en référence à la marque à la virgule, se définit par une grande démocratisation de l’information.
Enfin, la quatrième, que nous sommes en train de vivre depuis l’aube des années 2000, est surnommée « l’Ubérisation », du nom de la célèbre application de chauffeurs. Pour les auteurs, c’est celle de la démocratisation du travail. Les entreprises deviennent des plateformes, le travail est parcellisé en activités et le talent devient un service à la demande.
En parallèle de ces révolutions, ont également lieu des avancées exponentielles de nos capacités technologiques. Ces dernières refaçonnent progressivement les espaces de travail : de l’ordinateur de bureau, à l’Internet en réseau, puis de l’Internet mobile à ce qu’on appelle aujourd’hui l’Internet des objets.
L’Internet des objets (ou IoT) crée de nouvelles formes de travail et de nouveaux modèles économiques, rappelle Ravin Jesuthasan.
Le travail ne sera plus seulement humain (et le sera de moins en moins)
Les relations de collaboration professionnelle changent en conséquence. Le monde devient de moins en moins binaire et une pluralité de formes de travail vont de plus en plus co-exister. En plus de l’employé traditionnel que nous connaissons, apparaissent le volontariat, la robotique, l’intelligence artificielle, les travailleurs autonomes, les plateformes de talents etc.
Les intervenants se basent ainsi sur des chiffres, tirés de leurs travaux, pour montrer l’ampleur et la rapidité du changement qui s’en vient.
Il y a 3 ans, au Canada, le travail des entreprises interrogées était réalisé à 95% par des humains (le reste était automatisé). Aujourd’hui, ce chiffre est descendu à 90 % et dans 3 ans, il atteindra… 83 % ! L’automatisation va donc plus que doubler d’ici les prochaines années.
Dans cette échéance, il faut aussi remarquer que le part du travail qui sera encore entièrement réalisée par des humains au Canada, passera de 64 % à 23 %.
Les machines vont-elles remplacer les humains ?
A cette question, les auteurs se montrent plutôt optimistes :
L’automatisation ne va pas affecter les emplois mais les tâches effectuées. Il ne faut pas raisonner en termes de machines ou d’hommes mais bien de machines ET d’hommes. Cela va découler sur de nouveaux types de travail », explique Dr John Boudreau.
Il s’appuie sur un autre sondage réalisé. Parmi les tâches effectués par les humains, les chercheurs ont demandé aux entreprises quel type de travail est-ce que cela concernera selon elles, aujourd’hui et dans trois ans. Réponses :
- A 83 % des emplois à temps plein aujourd’hui et 77 % dans 3 ans
- Mais cela passera de 6 % à 9 % pour les emplois à temps partiel
- De 4 % à 6 % pour les travailleurs à leur compte
- Et de 4% Ã 5 % pour des agences externes
Ce qui confirme donc bien ce constat d’Ubérisation du monde du travail. Les auteurs évoquent ce basculement dans la manière de concevoir le travail : en termes de lieu déjà , du bureau à des espaces extérieurs à l’entreprise physique. Mais aussi dans les tâches : de distribués à centralisés ou de compétences cognitives à des capacités augmentés par la machine.
La grande question des chercheurs est donc de savoir si cela se traduira par un travail « exploitant » ou au contraire « émancipateur » pour la personne. Dans les deux cas, les exemples existent en effet.
Leur grande théorie est alors de procéder en 4 étapes : déconstruire le travail, l’optimiser, l’automatiser et le reconfigurer, comme l’illustre le schéma ci-dessous.
Les auteurs voient ainsi des compétences clés émerger :
- Pour les leaders, l’orchestration d’un nouvel écosystème de travail pour optimiser le modèle économique
- Pour les gestionnaires, la coordination entre des options alternatives pour exécuter la stratégie
- Pour les RH, la recherche d’un ensemble optimal d’expériences, par le biais de récompenses, d’engagement…, pour tous ces types de talents, évoqués plus haut.
Dans ce monde en mouvement, Dr John Boudreau conclut par une citation :
Les vrais illettrés ne sont pas ceux qui ne sauront pas lire, écrire ou compter. Mais ceux qui ne sauront pas apprendre, désapprendre et réapprendre.
Vous voici prévenu !
Si vous souhaitez allez plus loin, vous pouvez regarder le webinaire des deux chercheurs ci-dessous :