Connaître les pouvoirs insoupçonnés du cerveau pour apprendre mieux et plus facilement
27 septembre 2019
Comment fonctionne le cerveau lors d’un processus d’apprentissage ? Éléments de réponse avec la chercheure en éducation et professeure à la Faculté des sciences de l’
Nous vous disions il y a quelques semaines que la compétence la plus recherchée en 2019 était l’adaptabilité. À l’heure de l’évolution rapide des technologies mais aussi de la pénurie des talents, l’apprentissage est plus que jamais clé pour son développement professionnel et personnel.
Et pour appréhender le sujet de la formation, nous vous proposons de revenir aux sources et de mieux comprendre… le fonctionnement cérébral. Notre cerveau est en effet le premier agent de notre apprentissage.
Pour nous aider à explorer ce monde aussi passionnant que mystérieux, nous avons interrogé la chercheure en éducation et professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), dans le département de didactique, Lorie-Marlène Brault Foisy.
Cette dernière, experte en neuroéducation, s’est spécialisée dans l’étude des liens entre les processus cognitifs et cérébraux, l’apprentissage et l’enseignement.
Voici donc les 4 stratégies à connaître, qu’elle a détaillées dans le cadre d’une conférence Les Affaires, pour mener une formation et orienter sa stratégie d’enseignement.
Plusieurs de ces stratégies ont été abordées dans le cadre de différents articles scientifiques et de vulgarisation, disponibles sur le site du Laboratoire de recherche en neuroéducation (LRN, UQAM), dirigé par le professeur et chercheur en neuroéducation Steve Masson.
1. Plasticité du cerveau, répétition et récupération active
Tout d’abord, un des principes de base à connaître : le cerveau est flexible et peut s’adapter pour emmagasiner de nouvelles informations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous pouvons apprendre en soi. Intéressons-nous donc aux adaptations qui ont lieu quand on apprend.
Que se passe-t-il dans notre cerveau au moment d’un apprentissage ? Des neurones vont s’activer et se connecter ensemble. On assiste donc à une modification des connexions neuronales.
Ces dernières peuvent se modifier de différentes façons : soit de nouvelles connexions peuvent apparaître, soit des connexions peuvent disparaître, soit des connexions peuvent augmentent ou diminuer leur efficacité. La chercheure prend l’analogie de la forêt pour expliquer ce mécanisme.
Quand on apprend une chose, c’est comme s’il y avait un nouveau tracé dans une forêt. Au début, la forêt est vierge et sauvage et on essaie de se déplacer d’un point A à un point B : c’est difficile de créer ce chemin. Mais plus on emprunte ce chemin, plus il va devenir praticable. À l’inverse, si on n’emprunte plus jamais ce trajet, la végétation va reprendre sa place et le chemin va disparaître », explique Lorie-Marlène Brault Foisy.Â
C’est exactement le même phénomène pour le cerveau. Plus ces connexions sont mobilisées et utilisées à travers le temps, plus elles vont devenir efficaces. Et si elles ne sont plus utilisées, elles vont progressivement diminuer en efficacité voire disparaître. Ce fonctionnement de base du cerveau met en lumière un point majeur dans une formation : l’importance de la répétition !
Pour apprendre un élément nouveau, il faut le répéter différentes fois, pour que de nouvelles connexions se créent dans le cerveau. Pour que les processus biochimiques qui permettent les nouvelles connexions se mettent en place », ajoute-t-elle.Â
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Lors de formations, il faut donc réfléchir aux contenus qu’il faut répéter… si possible de manière active pour l’apprenant.
Une des façons, c’est de créer des évaluations, des mini-tests, des exercices, des examens. Pas dans le but de noter l’apprenant, mais pour le placer dans un contexte où il peut récupérer en mémoire le contenu à plusieurs reprises. Il est aussi possible de les faire interagir durant la formation ou de rappeler à chaque nouvelle séquence les apprentissages passés ».
2. L’effet d’espacement
Autre enseignement de l’analyse du fonctionnement cérébral : plutôt que de présenter un contenu de formation de manière groupée, il vaut mieux répartir le contenu à travers le temps. Concrètement, au lieu de faire une formation de 4h sur un contenu, il vaudrait mieux le dissocier en 4 blocs de 1h ou en 8 blocs de 30 minutes.
Les recherches montrent que lorsque l’on espace les apprentissages, le cerveau de l’apprenant demeure plus actif à chacun des moments de la formation. Sur une formation de 4h, on se rend compte que le cerveau se désengage progressivement. Lorsque l’on espace le contenu, l’activation cérébrale est maintenue ».
Ce qui est encore mieux : entrecouper les moments de formation par des périodes de sommeil.
Car le cerveau va, pendant le sommeil, réactiver des connexions en lien avec les apprentissages de la journée. C’est une sorte de récupération bonus des informations en mémoire, qui vient consolider les connexions ».
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Bien entendu, ici, il convient de faire avec les contraintes pratiques de la formation. Mais, il est toujours intéressant de garder ces éléments en tête.
3. Avoir une conception dynamique de l’intelligence
Ce concept renvoie notamment aux travaux de Carol Dweck, auteure du livre Mindset. Selon elle, tout le monde n’a pas la même conception de sa propre intelligence, entendue ici non pas comme le QI mais plutôt comme la capacité générale à apprendre.
Certains vont croire que leur intelligence est prédéterminée et qu’elle change très peu. C’est la conception fixe de l’intelligence. D’autres vont davantage adhérer à une conception dynamique, selon laquelle, ils peuvent avoir une influence sur leur capacité à apprendre. Ces croyances sur la nature de l’intelligence vont notamment influencer leur motivation.
Si une personne croit qu’en se pratiquant beaucoup, elle va pouvoir être meilleure dans un domaine, elle sera plus motivée par cet apprentissage. Et va avoir davantage tendance à persévérer. À l’inverse, avec la conception que notre intelligence a une limite et qu’on ne pourra pas faire grand chose pour s’améliorer, notre motivation va être faible. S’il y a un défi ou que l’on fait une erreur, on va avoir tendance à plus abandonner en se disant que c’est le maximum où l’on peut aller », illustre Lorie-Marlène Brault-Foisy.Â
D’autant qu’il s’avère que les personnes qui ont une conception plus dynamique de leur intelligence vont plus avoir tendance à activer des mécanismes de correction d’erreurs.
Si on leur demande de résoudre un problème difficile et qu’ils font une erreur, tout de suite, ils mobiliseront davantage les mécanismes leur permettant de corriger cette erreur. Ce qui n’est pas le cas de ceux qui ont une conception plus fixe ».Â
La question évidemment qui se pose ici : est-ce possible de favoriser une conception dynamique de l’intelligence ? Rassurez-vous, d’après plusieurs recherches, la réponse serait plutôt en faveur du oui !
Il y aurait plusieurs éléments potentiels sur lesquels il est possible d’agir, notamment le choix des encouragements qui doivent être plus cohérents avec une conception dynamique de l’intelligence », indique Lorie-Marlène Brault Foisy.
Par exemple, la chercheure recommande de ne pas dire aux apprenants « Vous êtes vraiment doué dans ce domaine ». Car ce n’est pas une question de talent ou de don. Mais plutôt de dire : « Bravo, vous faites des efforts en vous pratiquant à utiliser la bonne stratégie« .
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Ce principe remet en fait en question la façon dont on donne de la rétroaction aux apprenants.
Il ne faut pas entretenir la compréhension fixe en leur disant qu’ils sont bons ou non dans un domaine. Au contraire, il faut leur montrer qu’en se pratiquant, ils peuvent s’améliorer. Leur dire que leur cerveau est plastique. Donc que tout le monde a le potentiel de s’améliorer »
Concrètement, l’experte en neuroéducation propose de faire une introduction par exemple sur la plasticité cérébrale. Ce qui mettra les apprenants dans l’état d’esprit qu’ils peuvent s’améliorer.
4. L’inhibition cognitive
Un petit jeu pour illustrer ce point. Répondez le plus rapidement possible à cette question : Que boit la vache ?
Vous avez dit du lait ? Ce n’est pas la bonne réponse (c’était de l’eau tout simplement). Mais ne vous inquiétez pas, cette erreur est « normale ». Vous vous êtes fait induire en erreur par votre cerveau qui crée automatiquement des associations, comme l’association vache-lait, pour être plus efficace dans nos prises de décision du quotidien.
Le cerveau fait cela pour être plus efficace sinon, cela deviendrait très lourd s’il fallait se poser sans cesse ces questions. Pour arriver à donner la bonne réponse, l’eau en l’occurence, il faut déjà connaître la bonne réponse mais aussi et surtout réussir à résister à plein d’intuitions ou de raccourcis que notre cerveau a établis. L’inhibition est un élément clé dans l’apprentissage ».
Autre exemple cité par Lorie-Marlène Brault Foisy : on pense généralement qu’il fait plus chaud l’été car la Terre est plus proche du Soleil. Or, le phénomène scientifique des saisons est plus complexe que cela mais notre cerveau établit des raccourcis. Car lorsqu’on rapproche notre main d’une source de chaleur, on sent la chaleur. Donc on fait inconsciemment cette association. Les exemples peuvent être multipliés de la sorte.
Apprendre, c’est donc pouvoir résister à certains automatismes de la pensée.
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La professeur de l’UQAM incite les formateurs à réfléchir d’abord aux idées contre-intuitives qui pourraient advenir lors de leurs formations. Puis essayer de prévenir les apprenants qu’ils vont peut-être tomber dans un piège tendu par leur cerveau et les inciter à résister.
D’ailleurs, elle cite une autre association contre-intuitive, qui pourrait intéresser en premier lieu l’industrie publicitaire ou des communications : Inhibition et créativité.
Apparemment, les gens qui sont très créatifs sont ceux qui réussissent le mieux à résister à des idées qui sont très communes. Pour accéder à des idées créatives, il faut être capable de résister justement à ces idées plus communes, à inhiber ces idées ».