Contenu généré par les employés sur les réseaux sociaux : quand le malaise s’invite au bureau

6 mai 2025
Selon plusieurs études et sondages, il n’y a rien de plus décisif pour convaincre des candidats de joindre son organisation ou des consommateurs d’acheter ses produits que de donner la parole à ses employés sur les médias sociaux. Attention toutefois à ne pas aller trop loin dans cette pratique !
Depuis plus d’un an, le premier conseil qui vient aux lèvres des consultants en marketing numérique pour positionner sa marque est de faire du contenu généré par les employés. Le fameux « Employee-Generated Content » (EGC), qui calque son nom sur le « user-generated content » (UGC).
Cette stratégie peut prendre plusieurs formes : demander aux employés de relayer des nouvelles de l’entreprise sur leurs réseaux sociaux personnels ; participer à une photo d’équipe pour illustrer « la vie au bureau », pendant un déjeuner d’équipe, etc. Et qu’on ne s’y trompe pas, plusieurs aiment le concept et voudront y participer de bon gré. Mais pas tous.
Selon les spécialistes en marque employeur, ce genre de campagne d’employés ambassadeurs doit être fait sur une base volontaire pour en assurer le plein succès. Or, sur le terrain, ce n’est pas toujours ce qui se passe.
C’est une question délicate, reconnaît Jacynthe, responsable de médias sociaux. Certains ne veulent rien savoir, une ou deux personnes sont ouvertes mais pour les autres, il faut insister… La pression vient d’en haut pour faire des vidéos, mais, en fin de compte, ce sont les responsables des réseaux sociaux qui doivent embêter leurs collègues. »
« Je ne voulais pas me sentir utilisée non plus«
Évidemment, chaque organisation est différente. Et chaque community manager navigue selon sa propre éthique.
Je ne force jamais personne à être dans une vidéo parce que, moi-même, je ne voudrais jamais être dans une vidéo corporative », assure Dany, un autre responsable de médias sociaux.
Parfois, la pression est exercée d’une manière que l’on pourrait décrire « sans malice ». L’année dernière, Josée (nom fictif) était sur le point de partir en congé de maternité, lorsqu’elle s’est faite offrir par son employeur un panier cadeau avec des articles de bébé. Celui-ci lui a demandé s’il pouvait publier une photo d’elle sur les réseaux sociaux avec un message pour souligner cette occasion. Malaise.
D’une part, elle ne se sentait pas à l’aise de se mettre sous les projecteurs. Ensuite, des personnes de sa famille éloignée n’étaient même pas au courant qu’elle était enceinte.
Avec le recul, je me suis demandée si j’avais bien fait d’avoir refusé, car c’était un très beau geste, bien attentionné. Mais je ne voulais pas me sentir utilisée non plus. Je me sens mal de ne pas avoir accordé l’opportunité à l’organisation de promouvoir sa marque employeur, mais, malgré tout, je suis en paix avec ma décision, » indique-t-elle.
Par chance, l’histoire n’a pas été plus loin.
Rejetée faute d’avoir participé
Dans les petites entreprises de quelques employés, où le dirigeant est très près de son équipe, cela peut prendre une forme beaucoup plus insidieuse. Véronique (nom fictif), une professionnelle RH, a subi une pression quotidienne pour relayer les publications LinkedIn de sa patronne.
Je ne suis pas un panneau publicitaire. Je suis une professionnelle avant d’être une employée. Mon audience sur LinkedIn, je l’ai créée moi‐même, au fil des ans, à la sueur de mon front. Je ne suis pas d’accord que mon employeur y ait accès. C’est à moi. Ce n’est pas à vendre », justifie-t-elle.
Par ailleurs, Véronique faisait déjà usage de ses médias sociaux pour promouvoir sa pratique de travailleur autonome auparavant. Et les messages de son employeur – superficiels et racoleurs – venaient en contradiction avec l’image de professionnel crédible qu’elle avait établi dans son réseau.
En fin de compte, j’ai été isolée par cette PDG parce que je refusais de figurer dans ses vidéos. C’était tellement central pour elle qu’elle me rejetait parce que je n’embarquais pas. Et comme ça occupait beaucoup de notre temps, je demeurais en marge à les regarder faire leurs vidéos. Quelle belle cohésion d’équipe, vraiment… », regrette-t-elle.
Véronique précise toutefois qu’elle travaille en marque employeur. Elle comprend l’importance d’avoir des images d’employés réels pour créer un lien de confiance envers l’organisation.
Je suis pour, insiste-t-elle. Si ça avait été occasionnel et ciblé, j’aurais probablement été plus enthousiaste. Mais là, c’était quotidien. C’était devenu presque plus important que mon travail officiel. Forcer le personnel à être ambassadeur n’est pas une bonne stratégie. Si ça ne vient pas de la personne elle‐même, c’est voué à l’échec. »
Prêchons les bonnes pratiques, donc. Et laissons les volontaires se manifester… avec enthousiasme!


