Le futur de la traduction
Doit-on avoir peur que l’intelligence artificielle et l’automation viennent à bout du métier de traducteur ? Les pronostics nous disent que non, pour le moment…
18 mai 2017
Je pense qu’on va atteindre un point où les ordinateurs auront le même niveau de compréhension du langage que les humains, ce qui permettra aux ordinateurs d’accomplir la même qualité de traduction que les meilleurs traducteurs humains.»
C’est la prédiction que l’inventeur et futuriste Ray Kurzweil a faite en 2006 dans un livre intitulé The singularity is near. Il place l’avènement du parfait robot-traducteur pour 2029.
Depuis, le débat a cours dans le milieu de la traduction. Combien de temps encore avant que les machines maîtrisent les langues avec la même finesse que l’être humain?
Dans la foulée d’une conférence organisée par la Translation Automation User Society (TAUS) et prévue en juin à Dublin, des spécialistes de la traduction se sont penchés sur la question.
Jaap van der Meer, le fondateur de TAUS, se fait rassurant d’entrée de jeu:
Non, je ne crois pas que la profession de traducteur est complètement en danger, mais ça va changer en profondeur. Les tâches ennuyeuses vont disparaître.»
Autre prédiction prudente de la part d’Alex Waibel, professeur à l’université Carnegie Mellon:
Nous verrons une accélération et une augmentation du volume de documents traduits, mais les humains continueront de jouer un rôle dans cette demande croissante. Il y aura une plus grande symbiose entre les humains et les machines, et les communications croisées qui en résulteront seront bénéfiques pour notre espèce.»
Khalil Sima’an, professeur à l’université d’Amsterdam, est moins optimiste:
Je crois que d’ici deux décennies la plupart des traductions standards seront complétées par des machines, dans le cas des langues les plus parlées. […] Seules les traductions plus excitantes, comme la littérature de haut vol et la poésie, pourraient demeurer dans les mains des traducteurs humains les plus doués.»
Points de vue québécoisÂ
Jointe au téléphone pour aborder la question, Diane Cousineau, présidente-directrice générale de Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, doute qu’on puisse remplacer l’humain si facilement:
Les logiciels de traduction sont aujourd’hui des outils indispensables au métier de traducteur. Mais l’apport d’un professionnel demeure essentiel pour faire la part des choses dans la traduction d’un texte.»
La valeur d’un traducteur se manifeste à plusieurs égards:
C’est lui qui donne la saveur locale à un texte. C’est aussi lui qui détecte les non-sens que pourrait produire une machine de traduction. Il maîtrise les subtilités de la langue. Par exemple, certaines expressions ne se traduisent pas de la même façon si on est dans le domaine juridique ou médical.»
Le seul moment où une machine de traduction est utile, dit la présidente, c’est pour dégager le sens général d’un texte. Mais pour avoir la profondeur et la compréhension réelle de ce texte, ça prend un traducteur professionnel.
Conclusion, le métier de traducteur a encore de belles années devant lui:
Il y a un gros boom de traduction en ce moment à Montréal. On voit une augmentation des membres dans l’industrie langagière, puis on voit l’intérêt des étudiants pour ce champ d’études. Un client averti fait encore la part des choses entre une bonne et une mauvaise traduction.»