L’efficacité de la peur en publicité
L’humain est programmé pour porter davantage attention au négatif. Donc, le marketing social s’en sert. Pénélope Daignault, élaborait sur le sujet lors de sa conférence de la Toile des Communicateurs Publicité négative et persuasion présentée le 26 avril dernier à l’Université TÉLUQ et partout en webdiffusion.
8 mai 2017
Le cerveau, c’est comme du Velcro pour les expériences négatives et du Teflon pour les expériences positives», expliquait la conférencière.
Même les bébés de 6 mois reconnaissent plus vite un visage fâché qu’une mine heureuse dans une foule, selon de nombreuses études.
Un stimulus négatif prendrait également 12 secondes de moins pour s’imprimer dans la mémoire à long terme que son pendant positif. Bien entendu, les situations malheureuses comme les disputes, les adieux et les pertes financières, restent celles qui nous marquent davantage.
Les principes du marketing socialÂ
La publicité commerciale cherche à nous vendre un produit. Souvent, en le présentant positivement et en misant sur la gratification immédiate que procure l’utilisation de l’item vendu.
Le marketing social quant à lui essaie de changer les comportements bien ancrés d’une masse de citoyens dans le but d’améliorer le bien-être collectif. Les sujets s’avèrent nombreux et se regroupent sous trois grands thèmes: la prévention, l’éducation et la sensibilisation.
Même si plusieurs considèrent les campagnes sociales plus louables que les autres, elles restent plus complexes. Convaincre quelqu’un de modifier une vielle habitude comme le fait de fumer, par exemple, demeure beaucoup plus ardu que de l’inciter à acheter une marque précise de savon.
Sécurité routière, prévention des ITS, détection du cancer du sein ou de la prostate, changements climatiques, violences conjugales, pauvreté…, les sujets visés par le marketing social s’avèrent nombreux. En tout cas, ils se réfèrent tous au même dénominateur commun: la stratégie persuasive passant par les émotions négatives qui engendrent un appel à la peur.
L’utilisation de la menace
Les campagnes misant sur la peur étalent les conséquences négatives auxquelles s’expose le téléspectateur s’il continue de reproduire son comportement à risque.
Parmi les menaces mises de l’avant par ce type de publicité, Mme Daignault relatait trois grandes catégories.
Premièrement, elle mentionnait la menace sociale. Si on lance une campagne de prévention des ITS en s’adressant aux adolescents, on gagne à mettre de l’avant la peur du rejet. Le fait de perdre des amis à cause de la maladie signifie beaucoup pour ce public-cible.
Deuxièmement, l’oratrice relatait la menace économique. Elle s’illustre, entre autres, par la perte d’argent des joueurs compulsifs.
Puis, Mme Daignault mentionnait troisièmement la menace physique. Elle s’avère la plus utilisée dans les publicités traitant de maladies. Elle s’accompagne le plus souvent d’images chocs à haute teneur dramatique, à la limite du soutenable.
Les réactions possibles
Ce qui s’opère dans le cerveau face à la noirceur projetée par la publicité négative se définit par les termes dissonance cognitive. En somme, le récepteur du message publicitaire se trouve aux prises avec le bien et le mal. Il se remémore ses comportements semblables à ceux évoqués, il sait qu’ils sont mauvais, mais il les répète quand même, il se rappelle pourquoi de tels gestes se cataloguent de «nocifs», etc.
Tout ce brouhaha mental crée un inconfort. Alors, deux choix primitifs s’imposent: fuir ou se battre.
Nous avons la possibilité de jouer la carte du déni, d’entrer dans une contre-argumentation afin de faire de l’évitement.
Sinon, nous lutterons contre nous-mêmes pour nous conformer et nous accepterons le message.
L’élément qui déterminera alors la voie que nous emprunterons est notre perception de la solution proposée. La trouvons-nous efficace? Est-ce que, par exemple, nous pouvons endosser l’idée de prendre un taxi ou le transport en commun parce que nous avons trop bu?
Le message doit impérativement proposer une ou des alternatives et le public doit juger qu’elles fonctionnent.
Le côté droit du cerveau
Quoi qu’il en soit, les médias en général misent énormément sur la peur. L’être humain aime ruminer. Il passe davantage de temps à songer aux événements sombres qu’à cultiver son bonheur.
Les expériences malheureuses étant traitées par l’hémisphère droit du cerveau, elles nous gardent dans l’irrationalité. Voilà pourquoi la négativité émise par une publicité sociale va jusqu’à nous atteindre physiologiquement. Notre partie émotionnelle demeure celle qui répond en premier dans une situation de stress.
Ainsi, dans un contexte de marketing social, la peur de la perte démontre mieux son efficacité que l’attrait du gain (qui mise sur les bénéfices).
Le retour du balancier
Toutefois, gare à l’effet boomerang! Face aux campagnes de peur, certains individus adopteraient un comportement contraire à celui suggéré, en vue de se défendre, probablement inconsciemment. Si le processus encourage en partie le public-cible à réagir plus intensément, peut-on affirmer qu’il accomplit sa mission? Difficile de répondre à la question!
De nombreux travaux menés sur le sujet se contredisent et peinent à prouver leur efficacité. Il est difficile de suivre les gens à temps plein pour voir si leurs comportements de tous les jours changent vraiment.
Agir autrement, adopter de nouvelles valeurs entrent dans un processus de longue haleine, de sacrifices. Parallèlement, les études mesurent généralement l’impact des campagnes publicitaires à court terme et leur effet immédiat.
Que les statistiques lui donnent raison ou non, et que nous nous affichions pour ou contre, la publicité négative continuera de susciter de vives réactions. Puis, comme les images dramatiques s’enregistrent plus facilement dans notre mémoire, elles risquent fort d’influencer notre comportement.
Finalement, il y aurait beaucoup de positif dans le négatif!