Quel est l’impact du télétravail sur le coût des bureaux pour les entreprises ?
15 septembre 2020
Deux économistes de la Banque de France, Antonin Bergeaud et Simon Ray, viennent de publier un rapport sur les différents impacts du télétravail, notamment en termes d’immobilier d’entreprise. Compte-rendu.
« La généralisation du recours au télétravail constitue l’un des principaux effets d’hystérèse structurels de la crise actuelle » indique le document en introduction. Effet d’hystérèse ? Il s’agit du nouvel état d’un système qui tend à demeurer, même quand ce qui a produit son changement a cessé.
Autrement dit, ici, même après le confinement dû à la pandémie de COVID-19, le recours au télétravail va rester à un niveau bien supérieur à ce qu’il était auparavant.
Même si les données sur le sujet sont floues, une analyse récente de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail (Dares), indiquait qu’environ 3 % des salariés ont travaillé chez elles au moins un jour par semaine en moyenne en 2017. À l’heure actuelle, ce chiffre dépasse les 40 % selon The Economist… sachant que le France est la plus réticente des grands pays européens (c’est plus de 60% au Royaume-Uni par exemple).
Des économies… mais pour qui ?
D’après des chercheurs américains, 37 % des emplois américains pourraient être exercés totalement en télétravail. Ce qui laisse augurer l’ampleur du tournant du travail à domicile dans les années à venir.
Les économistes de la Banque de France Antonin Bergeaud et Simon Ray se sont donc intéressés à examiner l’impact que cela pouvait avoir sur l’immobilier d’entreprise.
Premier élément évoqué : une possible négociation accrue entre salariés et entreprises de la répartition des économies générées.
Les salariés seront à même d’utiliser ces économies pour financer de nouvelles dépenses, telles que l’éventuel besoin d’espace supplémentaire, l’utilisation de plus d’énergie, de chauffage, etc. Dans ce processus de négociation, les entreprises souligneront les gains que retireront les salariés de la réduction de leur temps de trajet et les bénéfices qui en résultent en matière de bien-être » évoquent ainsi les chercheurs.
D’après une étude parue en 2017, un nombre important de salariés accordent de la valeur au télétravail au moment de l’embauche et sont prêts, en moyenne, à renoncer à 8% de leur salaire pour pouvoir travailler à domicile.
Antonin Bergeaud et Simon Ray se sont aussi rendus compte que le loyer des bureaux occupait une place de plus en plus importante pour les entreprises. Le ratio « dépenses de loyers/salaires » serait ainsi passé de 13,5% en 2001 à 15,3% en 2017. Une tendance qui pourrait s’expliquer par la hausse des coûts immobiliers.
Si la part du coût des bureaux s’est progressivement accrue depuis ces dernières années, il convient toutefois de prendre en compte les nombreuses différences entre les secteurs et les régions.
Sans surprise, la part des loyers dans la valeur ajoutée des entreprises est bien plus importante dans les zones tendues comme dans le long de la Côte d’Azur ou en Ile-de-France, comme le montre la carte ci-dessous.
Ces faits stylisés relatifs à la part importante et croissante de l’immobilier détenu par les entreprises suggèrent que le développement du télétravail pourrait fortement modifier la structure des coûts et le bilan des entreprises, et se révéler significatif au niveau macroéconomique. La validité de cette observation varie selon les secteurs, notamment en raison de l’hétérogénéité évidente de la proportion de tâches pouvant être effectuées à distance dans chaque secteur, » indique les chercheurs.
Quid de la productivité ?
Selon eux, l’immobilier peut constituer un obstacle majeur à la croissance des entreprises. La généralisation du télétravail deviendrait de ce point de vue une opportunité de développement non négligeable, en diminuant les charges grandissantes des entreprises à mesure de leur progression.
La réduction considérable de la demande d’immobilier d’entreprise devrait se traduire par une baisse des prix. Toutefois, l’offre peut également s’ajuster en convertissant certains locaux d’entreprise en immeubles résidentiels, ce qui rend difficile d’anticiper l’effet prix, notamment dans les zones où le marché de l’immobilier résidentiel est très tendu, » précise-t-ils toutefois.Â
A priori, cette nouvelle tendance du travail à domicile semble être une bonne nouvelle, d’un point de vue financier, pour les entreprises. Néanmoins, c’est soumis à une condition : il faut que l’impact sur la productivité soit neutre ou positif.
Il convient toutefois de noter que les entreprises devraient se méfier d’un possible biais à court terme, dans la mesure où le télétravail peut intuitivement provoquer une réduction des dépenses à court terme tout en détériorant la productivité à moyen terme, » confirme les chercheurs.
Cette question de la productivité varie évidemment en fonction des secteurs et des tâches effectuées. Chaque entreprise devrait donc étudier la question scrupuleusement… pour vérifier que le télétravail représente bien un gain net pour elle !