Semaine de 4 jours : pas toujours facile de ralentir!
5 septembre 2022
Jean-Philippe Dauphinais, cofondateur de l’agence de marketing numérique Rablab, est le premier à l’avouer : il a dû se faire « violence » pour parvenir à réduire sa cadence et ainsi adopter – avec toute son équipe – un horaire estival de 4 jours par semaine sans diminution de salaire. Il n’a aucun regret, voyant tous les bénéfices qui en résultent, aussi bien pour lui que pour son équipe. Retour sur une expérience qui risque fort de se renouveler l’an prochain.
L’idée de tester la fameuse semaine de 4 jours – celle dont tout le monde parle, sans diminution de salaire – a émergé alors que l’entreprise spécialisée en marketing numérique effectuait des démarches pour obtenir la certification B Corp.
Sous le volet gouvernance et responsabilité sociale, nous voulions mener un projet qui challenge le statu quo tout en cherchant à nous améliorer et à nous adapter, explique le cofondateur. Nous voulions nous positionner comme un employeur avant-gardiste, qui fait les choses différemment. »
Parmi les projets RH considérés, la semaine de 4 jours est celui qui a suscité la plus grande adhésion de la trentaine d’employés qui travaillent chez Rablab. La formule proposée : réduire la semaine de 35 à 32 heures, faites du lundi au jeudi, sans diminution de salaire, et ce, pour la période estivale du 1er juin au 1er septembre. Le vendredi est congé pour tous, sauf pour une personne de « garde » désignée en rotation pour les urgences.
Un vote pour l’année prochaine
Septembre, octobre, novembre et décembre sont des mois très occupés pour nous, alors nous allons revenir en semaines normales, explique le cofondateur. Toutefois, lors du post-mortem de l’automne, nous aurons la possibilité de voter pour étendre la semaine de 4 jours sur une plus longue période l’année prochaine.»
Jusqu’à maintenant, Jean-Philippe Dauphinais voit déjà un premier effet bénéfique à ce projet RH : l’acuité. Les gens reviennent de leur fin de semaine beaucoup plus reposés et concentrés à la tâche. Et donc, au final, plus productifs. À la fin du mois de juin, certains employés avaient même réussi à prendre de l’avance sur les tâches qui étaient prévues à l’horaire.
Cependant, le cofondateur reconnaît que le concept pose certains défis de coordination au sein d’une agence « de service » comme Rablab.
Planifier une rencontre de démarrage de projet avec 11 personnes provenant de l’interne et du côté client, dans une semaine condensée, ça peut devenir cauchemardesque… illustre-t-il. C’est pourquoi nous avons établi des plages horaires pour le travail de concentration et d’autres plages de disponibilité pour des rencontres collaboratives. Je dois dire que la roue tournait un peu carré au début, les gens ne respectaient pas toujours les plages horaires. Or, depuis deux semaines, c’est beaucoup plus fluide. »
L’autre écueil en vue : le changement de culture qui doit s’opérer pour ralentir et finalement déconnecter pendant trois longs jours de week-end.
Je suis une personne qui travaille beaucoup dans la vie; j’avoue avoir dû me faire violence pour déconnecter le vendredi – ce que j’ai réussi à faire, je dirais, 80% du temps. Comme dirigeant d’entreprise, c’est important de donner l’exemple et de montrer que l’on incarne les valeurs que l’on propose. D’un point de vue personnel, ma conjointe et moi attendons un enfant et ce sera bien apprécié de profiter d’un horaire réduit au cours de l’année prochaine. »
Depuis le début du projet, un sondage est envoyé chaque semaine pour mesurer le niveau de stress des employés, pour savoir s’ils demeurent à jour dans leur dossier et aussi découvrir s’ils « trichent » le vendredi pour accomplir une tâche ou répondre à un courriel. Pour le moment, l’horaire est suivi de 90% à 95% des cas. Ce qui est bon signe, note le cofondateur de Rablab.
Le mythe de la perception client
Avant de se lancer dans le projet, Jean-Philippe Dauphinais craignait que retrancher une journée de disponibilité agace ou incommode les clients de l’agence. Il se rend compte aujourd’hui que c’est un mythe. Dans la réalité, c’est le contraire qui s’est produit. Lorsque la nouvelle a été annoncée dans l’infolettre de Rablab, aucun ne s’est plaint ou n’a cessé de faire affaire avec l’entreprise et certains ont même salué l’initiative.
Quand on arrive hyperpréparé et qu’on explique bien le nouveau fonctionnement – incluant une adresse courriel pour les urgences – , le projet a toutes les chances d’être bien reçu. Du moins, c’est notre expérience. »
Qu’on se le tienne pour dit!