Femmes de l’industrie: rencontre avec Sarah Benmaza, associée, VP Opérations et Stratégie d’AOD Marketing
Ce mois-ci, Isarta Infos s’est entretenue avec Sarah Benmaza, associée, VP Opérations et Stratégie d’AOD Marketing. Nous avons parlé à coeur ouvert de la relation gagnant-gagnant entre patrons et collaborateurs, des défis que rencontrent les femmes dans le monde encore majoritairement masculin de la gestion et de l’importance de se réinventer sans cesse.
20 février 2017
Vous travaillez dans le domaine du marketing Web depuis le début des années 2000. Qu’est-ce qui vous stimule le plus dans ce milieu?
Sarah Benmaza: Depuis longtemps, je voulais aller dans ce secteur. Internet et les nouveaux médias offrent une liberté. J’aime le changement en continu, car il oblige à se remettre en question et à se renouveler.
En 2012, vous avez été consultante indépendante auprès d’agences et d’entreprises comme Cossette, Air Transat, RDS et Promutuel Assurance. Que recherchaient ces entreprises en faisant appel à vos services?
Sarah Benmaza: Une expertise et la possibilité de mettre en place rapidement des stratégies qui répondent efficacement aux objectifs. En numérique en particulier, c’est une question de timing. À titre de consultant, on fait office d’accélérateur, notamment dans la mise en place d’une compétence précise. Les clients cherchent souvent une personne qui aura aussi une vision plus globale. Chez Cossette, par exemple, j’ai aidé six mois pour des besoins dans une expertise très particulière. Comme j’avais une réputation d’experte en la matière, les équipes de Cossette sont venues vers moi pour répondre à un besoin concret, précis et quasi immédiat.
Depuis 2015, vous travaillez pour votre propre entreprise, AOD Marketing, une agence marketing numérique située à Montréal, qui offre des stratégies dynamiques et personnalisées pour chaque client. En quoi consiste votre rôle de VP Opérations et Stratégie pour cette entreprise?
Sarah Benmaza: En premier lieu, je gère la réalisation des projets en stratégie numérique auprès des clients, et je veille à ce qu’ils soient satisfaits, que les objectifs soient remplis. Ensuite, je dois aussi gérer l’équipe en interne. La gestion d’équipe comprend, entre autres, le recrutement et le développement du personnel. Par exemple, je veille à ce que chaque employé soit épanoui dans son milieu de travail, puisqu’une personne heureuse en entreprise est une personne plus performante.
Sarah Benmaza: Dans un second temps, mon associé (Augustin Vazquez Levi) et moi-même avons mis en place une réelle culture d’entreprise construite autour de nos valeurs. Nous accordons beaucoup d’importance à ce que ces éléments se ressentent à chaque niveau en interne et dans l’ensemble de nos actions externes aussi. Avec Augustin, nous nous connaissons depuis plusieurs années, nous avons travaillé ensemble d’agence en agence, et en parallèle nous avons aussi chacun fait notre parcours. Quand il a été question de nous associer, nous souhaitions avant tout nous positionner comme une agence différente et où la relation serait gagnant-gagnant avec les membres de nos équipes, les clients et les partenaires. Concrètement, cela passe premièrement par l’équilibre, la compréhension, le compromis. Deuxièmement, cela implique d’offrir la possibilité de l’amélioration continue, par le biais du développement personnel de chaque membre, mais aussi auprès des clients. On va vers l’avant, on combat ainsi le statu quo. Troisièmement, on voulait miser sur une vision globale, le «big picture thinking». Lorsque le client veut quelque chose, on prend de la hauteur pour analyser l’impact des actions à poser. En ayant une vision globale, on peut ainsi prendre une décision éclairée et offrir une solution durable, ce qui est notre principal objectif.
Sarah Benmaza: Sur un autre plan, nous trouvons important, mon associé et moi-même, le fait que notre entreprise soit un espace collaboratif où les gens peuvent se réaliser. Nous travaillons donc en ce sens et, concrètement, cela peut se traduire par le fait d’offrir des formations de groupe ou individuelles aux membres de l’équipe afin que ceux-ci puissent s’accomplir. En contrepartie, il est évident que cela nous permet d’avoir des collaborateurs formés et polyvalents en interne. On en revient donc au fameux gagnant-gagnant! Un exemple concret de cette philosophie: nous cofinançons, dans certains cas, les frais de scolarité à nos employés souhaitant reprendre leurs études, dans leur domaine de compétence. Nous offrons aussi une conciliation travail-famille avec des horaires flexibles. Les gens doivent être au travail de 10 h 30 à 16 heures, mais avant ou après, ils peuvent gérer leur temps eux-mêmes. Ils peuvent ainsi travailler de la maison, aller à leurs rendez-vous et commencer plus tôt et finir plus tôt, ou l’inverse, en fonction de leur situation personnelle.
Comment arrivez-vous à rester toujours à l’affût des plus récentes nouveautés et tendances du marché numérique, et à même avoir une longueur d’avance sur les autres pour donner votre avis à titre d’experte?
Sarah Benmaza: Il y a beaucoup de veille, de lecture, d’étude et d’expérience. Il faut tester des choses avec des clients, savoir être novateur dans les campagnes, être à l’affût de la nouveauté dans le marché à travers les nouvelles plateformes. Nous devons être avides de découvertes en travaillant avec les clients.
AOD fait rayonner de grandes marques comme Ricardo Cuisine, Brault & Martineau et le Cirque du Soleil. Quelles différences dans la planification de votre travail voyez-vous entre le fait de promouvoir des recettes, des meubles et des spectacles?
Sarah Benmaza: Le travail avec chaque client nous nourrit. Nous travaillons en synergie avec lui; on ne peut pas faire notre travail sans client. Ce sont les tactiques qui peuvent changer selon le secteur. Nous avons toujours les mêmes outils, mais pas les mêmes stratégies. Une campagne Facebook, par exemple, va être très différente selon les objectifs et les audiences à cibler. Après, toute agence a aussi sa signature. C’est notre façon de faire qui nous différencie des autres agences. Les clients apprécient surtout notre vision globale. Ce qui nous distingue aussi des autres, c’est que nous sommes capables de dire «non» et de confronter le client et ainsi jouer notre rôle de conseiller.
Vos collègues disent que vous possédez une réelle expertise dans la gestion d’équipe, la gestion de la production, des ressources humaines ainsi qu’en stratégie de relations clients. Quelle est votre méthode pour exceller dans vos interventions humaines à ces différents niveaux?
Sarah Benmaza: J’axe sur quatre choses. En premier: l’humanité. Je favorise l’empathie, j’essaie de comprendre l’autre partie (le client ou le membre de l’équipe). En deuxième, je fais preuve d’humilité et j’accepte de me remettre en question. En troisième, j’essaie de garder une constance et de ne surtout pas déroger aux valeurs d’AOD Marketing. Finalement, je me fais un devoir de montrer l’exemple, car les gens comprennent l’environnement et s’en nourrissent. Travailler en équipe, c’est travailler en synergie.
Les dirigeantes sont rares dans le monde du marketing digital. Pourquoi, selon vous? S’agit-il d’un milieu majoritairement masculin?
Sarah Benmaza: À l’origine, Internet était perçu comme quelque chose de très technologique, plus que médiatique. Tout ce qui est technique a toujours été très mystifié et relié à un monde très masculin. Il est vrai qu’au début j’étais quasiment la seule femme, et mes patrons étaient toujours des hommes. Dans une réunion, nous pouvions être huit autour de la table, et j’étais la seule femme. Aujourd’hui, ça s’améliore, les choses changent. Dans le domaine du marketing, il y a une démocratisation, une ouverture. Au niveau des cours universitaires aussi il y a plus de femmes. Nous allons tranquillement vers un équilibre. Chez AOD Marketing, il y a par exemple plus de femmes que d’hommes. Toutefois, nous engageons toujours la meilleure personne selon ses compétences. Alors oui, les choses ont évolué, mais retenons que le milieu se démocratise et qu’il est important de continuer à favoriser la diversité, sous toutes ses formes.
Considérez-vous que vous avez dû travailler davantage qu’un homme, à compétences et scolarité égales, pour tirer votre épingle du jeu?
Sarah Benmaza: Non, pas au début, mais l’enjeu est réel quand on obtient un poste à hautes responsabilités. Là , il peut y avoir de la discrimination. L’homme a toujours été associé aux postes de pouvoir. Un poste de gestionnaire est souvent associé à un poste de puissance, puisqu’il s’agit d’un poste à responsabilités. Et on n’associe pas encore spontanément le pouvoir aux femmes. Il peut être parfois difficile pour une femme de s’imposer, de débattre, etc., car ces caractéristiques sont généralement associées aux hommes.
Sarah Benmaza: Il est également vrai que, en moyenne, les femmes restent encore moins bien payées que les hommes. Mais, ce que je constate, c’est que lorsque je fais des évaluations, les femmes ont souvent un manque de confiance en elles. Elles ne se sentent pas assez compétentes pour des postes à responsabilités. Souvent, une femme attend de posséder toutes les compétences pour postuler sur un emploi alors qu’un homme se dit qu’il va apprendre ce qui lui manque sur le tas. Je leur dis d’avoir confiance et de ne plus avoir peur.
Tracez-vous une limite entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle? Comment départagez-vous les deux?
Sarah Benmaza: On a toujours travaillé très fort ici. C’est parfois dur de décrocher quand on est passionné et qu’on travaille dans une industrie stimulante. Aujourd’hui, j’ai un regard plus mature sur mon parcours. Je me force à tracer une limite pour gagner en équilibre et en performance. Je ne crois pas au fait de tout sacrifier pour le succès au travail, sinon on est incomplet. L’équilibre est un réel enjeu dans notre compagnie, nous nous obligeons à prendre des vacances par exemple.
Votre métier en est un d’avenir assurément. Que devraient faire les aspirants pour s’y démarquer?
Sarah Benmaza: Ils devraient oser demander. On ne s’attend pas à ce que les gens sachent tout au début, nous sommes dans une industrie qui change constamment, alors il faut poser des questions, faire de la veille médiatique. Nous sommes des accélérateurs, il faut donc avoir une compréhension, une vision globale et être patient. Il faut aussi continuer à explorer. Ce que je répète souvent: «Il n’y a pas de questions stupides, il n’y a que des gens stupides qui n’osent pas en poser.»
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