A quoi faut-il s’attendre en 2021 pour les RH?
11 janvier 2020
Entrevue avec Caroline Loisel, co-auteure du Guide du futur des RH et du management (édition Eyrolles) au sujet de cette nouvelle année qui s’ouvre.
D’habitude, en début d’année, il convient de sortir son microscope à signaux faibles et sa boule de cristal pour la saison des articles et autres tribunes sur les prédictions et les tendances RH à venir.
Sauf qu’après l’année exceptionnelle que l’on vient de vivre, les choses semblent un peu plus claires pour 2021.
La pandémie mondiale a en effet provoqué un électrochoc pour la plupart des organisations, faisant émerger subitement des tendances latentes, qui ne seraient arrivées que bien plus tard sinon.
On en parle avec Caroline Loisel, conférencière, formatrice et co-auteure du Guide du futur des RH et du management publié chez Eyrolles.
Cette dernière perçoit ainsi, pour 2021, 4 signaux faibles. Une expression qu’elle préfère d’ailleurs à “tendance”, « car rien ne dit que cela sera durable et que cela s’ancrera dans le temps. »
1. Le télétravail, une nouvelle expression de l’égo et du pouvoir en entreprise
Selon elle, le travail depuis chez soi, qui s’est répandu à un niveau jamais atteint auparavant en France du fait de la COVID, agit comme une forme de cheval de Troie dans les entreprises.
Cela fait plus de 20 ans que je travaille dans les nouvelles technologies et ce qui m’a marquée quand je me suis lancée à mon compte, c’est le nombre de personnes qui avaient des blocages psychologiques et des croyances limitantes sur ce sujet. Avant ces dernières exerçant un métier sans le digital pouvaient maîtriser tout : la chaîne de production et les résultats escomptés. Le digital a rebattu les cartes mais ces personnes ont pensé qu’elles pouvaient répliquer cette hyper maîtrise…”, constate-t-elle.
Et avec l’obligation du télétravail, tous ces blocages ont volé en éclat et ont facilité la progression d’une forme de management distribuée.
Les règles de communication ont changé du jour au lendemain. Avec les outils de visioconférence, tout le monde apparaît dans une vignette de taille identique. Comme si cela aplatissait le pouvoir!”, remarque Caroline Loisel.
Toutefois, la partie est loin d’être gagnée et la culture du télétravail, comme celle du présentéisme d’ailleurs, n’est pas encore installées en France.
Comme le démontre indirectement l’index de mobilité de l’application Citymapper qui compare les déplacements dans les villes à une période donnée par rapport à leur niveau habituel.
En septembre dernier, alors que New York, Amsterdam ou Copenhague présentaient une mobilité bien moindre qu’à l’accoutumée (respectivement 27 %, 37 % et 41 %), les villes françaises de Paris et Lyon étaient quasiment revenues à leur rythme de croisière (92 % et 100 %)… et trônaient à l’extrême de la liste!
Trafic "exceptionnel" aujourd'hui encore en Ile-de-France. Trop peu d'entreprises autorisent le télétravail malgré la situation sanitaire alarmante
👉On demande des efforts aux citoyens, restaurants et cafés, mais les employeurs eux ne jouent clairement pas le jeu… pic.twitter.com/5MMj2qh3gI
— Mathieu Chassignet (@M_Chassignet) October 13, 2020
Je me suis rendu compte que globalement, une moitié des managers sont contre le télétravail en France et que c’est vraiment un sujet sociétal. Ces derniers estiment que c’est une question de confort et de réassurance. Ils pensent qu’ils vont pouvoir mieux surveiller leurs salariés en présentiel ce qui est faux en soi, sauf à se poster derrière chacun des écrans d’ordinateur. C’est encore une croyance limitante de dire que parce que vous avez la personne sous le nez, vous allez la surveiller. Et c’est pourquoi je dis que pouvoir et égo sont liés,” indique-t-elle.
2. L’ère de l’authenticité et de l’intelligence émotionnelle
Caroline Loisel parle d’une culture de la carapace généralement pratiquée dans les entreprises. Autrement dit : quand une personne entre dans la vie active, elle passe d’individu à collaboratrice et doit ainsi mettre ses émotions de côté.
Là encore, une habitude mise à mal depuis la pandémie. Quand le pire fait ressortir le meilleur de nous-même.
Avec la période, il est de bon aloi désormais de demander des nouvelles en dehors du “Comment ça va dans ton travail?”, assure-t-elle. On a moins le choix aujourd’hui car des proches peuvent être touchés, donc il y a plus de place pour le vrai et l’authentique, pour être dans la sincérité et la solidarité. Ce qui pose une question tout de même : est-ce qu’un jour on acceptera plus nos vulnérabilités au travail? »
3. L’agilité… par obligation
Caroline Loisel se rappelle d’une DRH d’un grand groupe qui lui a confié l’an passé : « On n’a jamais été aussi agile depuis la crise… et sans méthode en plus! »
Pour la formatrice, l’agilité, c’est globalement savoir aller vite et trouver des moyens pour réagir vite.
La pandémie n’a en effet pas laissé le choix aux entreprises que de faire confiance et de déléguer, en adoptant un circuit de décision beaucoup plus court et en redonnant de l’autonomie aux équipes. Pourvu que ça dure donc…
4. Une quête croissante de sens
Enfin, dernier élément à noter pour 2021 : la recherche toujours plus importante du sens. D’un point de vue des salariés, la question est de plus en plus prégnante avec la fusion des vies personnelles et professionnelles.
Lors de la crise, on s’est rendu compte que le problème n’était paradoxalement pas de travailler… mais plutôt de se déconnecter! », explique Caroline Loisel. « Beaucoup n’arrivaient pas à s’arrêter, n’avaient plus de limite et ne parvenaient pas à s’auto-réguler. Avec la question qui surgissait à un moment : est-ce que c’est bien la vie que je veux? »
Pour elle, le futur sera marqué par un mot : hybride. Le « OU » va laisser la place au « ET », à l’harmonie des contraires.
Le télétravail OU travail au bureau sera, à l’avenir, télétravail ET travail au bureau ET travail dans un espace partagé etc. Ce qui amènera une autre question : le lieu d’habitation.
Il suffit d’avoir deux jours de travail à distance pour commencer à se poser la question, » confirme-t-elle en effet.
De la même façon, les organisations devront penser Business ET humain ET conscience environnementale.
Et dans ces transformations progressives, la fonction RH ne devra pas qu’occuper un rôle de support mais bien… d’agent de changement!