Et si le perfectionnisme… était bon pour vous!
10 janvier 2023
Sur Internet, la majorité des articles portant sur le «perfectionnisme» vise à nous mettre en garde contre celui-ci, au travail et sur les médias sociaux. Et si ces articles avaient tout faux? Autrement dit que le perfectionnisme – savamment dosé – constituait plutôt un rempart salutaire nous permettant de ralentir au travail ou d’éviter la surexposition numérique? Je lance l’idée.
Au travail, les gourous de la productivité sont rapides à dénoncer un perfectionnisme qui saperaient notre créativité et notre productivité. Or, avec le recul, il y a parfois lieu de se demander si cette dénonciation n’est pas un prétexte pour convaincre de toujours en faire plus, plus vite, même si le résultat n’est pas «parfait».
Les experts en identité de marque tiennent un discours similaire sur LinkedIn et Facebook. Ils invitent les professionnels désirant être plus présents sur les médias sociaux à se «dégêner», à publier davantage, en privilégiant le volume sur la qualité, même si, encore une fois, le résultat «n’est pas parfait».
Par conséquent, certains professionnels finissent par céder à ce discours culpabilisateur et acceptent de s’exposer davantage sur les médias sociaux, de réduire leurs standards de qualité au travail, pour livrer plus et plus vite. Alors que leur instinct initial – de viser la perfection, leur version de la perfection bien sûr, soit un résultat à la hauteur de leurs attentes – était le bon.
Dans sa forme positive, le perfectionnisme peut fournir l’énergie motrice qui conduit à de grandes performances, explique la chercheuse Wendy C. Roedell, dans le livre Vulnerabilities of Highly Gifted Children (1984). Le souci méticuleux du détail que requiert la recherche scientifique, le zèle qui pousse les compositeurs à travailler sans relâche jusqu’à ce que leur musique reproduise les sons merveilleux que l’imagination leur faisait entendre, et la ténacité des peintres qui restent à leur chevalet jusqu’à ce que leur Å“uvre corresponde exactement à leur dessein, tout cela résulte du perfectionnisme. »
Dans un contexte post-pandémique, appliquer de hauts standards de qualité nous amène à ralentir la cadence au travail, en nous forçant à choisir uniquement les mandats que nous aurons le temps de «bien faire». En ces temps de pénurie criante de main-d’œuvre, le perfectionnisme peut servir d’excuse pour dire «non». Une entreprise peut sciemment décider de réduire son nombre de clients, pour garder uniquement les contrats lui permettant faire rayonner « son expertise ».
Sur les médias sociaux, des chercheurs soutiennent que l’image de « perfection » des vedettes rend les adolescentes anxieuses. Et si cette perfection siliconée ou photoshopée pouvait au contraire convaincre une personne de lâcher les médias sociaux et faire autres choses de plus constructifs de son temps. Et si la «perfection numérique» pouvait convaincre cette personne de publier moins souvent, seulement des contenus pertinents qui la mettent en valeur. Plutôt que d’engloutir ses énergies à solliciter des «j’aime».
Ce que dit la science
Bien sûr, le perfectionnisme est une arme à double tranchant. En 2018, des chercheurs de l’Université de la Floride ont fait une revue de la littérature scientifique et ont fait ressortir les vertus, mais les zones d’ombre du perfectionnisme.
Les perfectionnistes sont plus motivés au travail, travaillent de plus longues heures et sont plus engagés dans ce qu’ils font, peut-on lire dans la revue HBR. Cependant, nos résultats indiquent aussi que le perfectionnisme est fortement relié, de manière consistante, à des effets négatifs au travail et à l’extérieur, incluant un taux plus élevé d’épuisement, de stress, d’anxiété et de dépression.»
Le perfectionnisme est donc à utiliser… avec modération. Sur une note plus légère, rappelons-nous le sage conseil de Salvador Dali en guise de conclusion :
« N’ayez pas peur de la perfection – vous ne l’atteindrez jamais.»