FailCamp: entrepreneurs, glorifiez l’échec!
5 avril 2018
La société de productivité actuelle nous pousse à croire que la réussite constitue l’unique voie permise. Pourtant, quiconque sort de l’immobilisme s’expose à l’échec. D’ailleurs, FailCamp nous prouvait que tomber s’avère souvent bénéfique.
Faire faillite c’est pas si pire», s’exclamait Amélie Morency jeudi le 29 mars sur les planches du Théâtre Paradoxe, construit dans une ancienne église de Ville-Émard à Montréal sur le boulevard Monk.
Elle amorçait ainsi sa conférence destinée à la foule présente pour FailCamp: un événement servant à glorifier l’échec. Pour l’occasion, diverses personnalités admirées professionnellement osaient aussi briser le tabou entourant l’insuccès. Parmi eux, notamment, se trouvaient les comédiens Christian Bégin et Jean-Marie Lapointe ainsi que la mannequin internationale Ève Salvail.
En route vers la gloire
Plusieurs ont vu Amélie Morency à la célèbre émission Dans l’oeil du dragon avec son concept The FoodRoom. La jeune entrepreneure dans la vingtaine souhaitait alors concrétiser un rêve: mettre sur pied une cuisine collective où les propriétaires de traiteurs comme elle ou autres fournisseurs culinaires auraient la possibilité de réserver un espace pour réaliser leur production.
C’était comme le WeWork de la bouffe», précisait-elle.
Pour les petites entreprises, accéder à un équipement de qualité supérieure ainsi qu’à un service de plonge à peu de frais tient du miracle et représente une occasion en or de faire fleurir les affaires. Amélie entendait, avec son projet, les aider en plus de répondre à ses propres besoins. Vive la force du nombre! La nouvelle communauté qu’elle allait rassembler allait également favoriser l’entraide et briser l’isolement de chaque membre. Rien de moins!
Un rêve s’écroule
Je vais vous raconter, par contre, comment je me suis pété la gueule l’automne dernier», amenait-elle.
J’ai 26 ans, et j’ai déjà fait faillite», continuait-elle.
La jeune femme avait pourtant tout donné. Elle avait abandonné son confort pour se lancer corps et âme la peur au ventre. Elle ne s’accordait plus de temps personnel. Elle travaillait sans relâche.
Un ensemble de facteurs ont contribué à la dégringolade de son entreprise:
- isolement;
- manque de ressources financières et humaines;
- peu d’expérience;
- une foi inébranlable en un employé qui mentait sur les ventes.
Si bien qu’elle n’attribue pas son échec à un élément isolé. N’en demeure pas moins qu’elle a fini par se retrouver au pied du mur et a dû déclarer forfait.
Les apprentissages
Le pire, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage, précisait-elle, mais je n’avais pas le choix de passer par là.»
Amélie a tout de même compris:
- qu’elle ne pouvait pas faire plaisir à tout le monde;
- qu’elle devait accepter d’échouer malgré ses promesses;
- que 80 % du travail d’un patron est de veiller aux ressources humaines;
- que les blessures sont généralement liées à l’ego;
- qu’il faut absolument avoir une vie en dehors du boulot;
- qu’on peut parler ouvertement de ses échecs, et rebondir.
La jeune femme a même écrit de son propre chef un article sur LinkedIn pour expliquer son histoire avec The FoodRoom. Elle a, suite à ses aveux, reçu de nombreux témoignages d’encouragement.
Je venais juste d’annoncer que j’avais fait faillite, et les gens me demandaient déjà “c’est quoi ta nouvelle business?”»
En fait, à 26 ans, Amélie Morency a déjà monté 4 compagnies. Elle a, ces-temps-ci, un autre projet entrepreneurial en tête. Grâce à ses ratés qu’elle assume pleinement, elle sait surtout ce qu’elle ne souhaite pas pour sa prochaine PME. Elle a compris que les commerces de services n’étaient pas pour elle, entre autres choses.
L’échec se veut donc partie intégrante d’un processus gagnant!
Redorer l’image de l’échec
Michel Bergeron, premier vice-président marketing et affaires publiques de la BDC, qui commanditait et présentait l’événement, résumait bien ce que devrait signifier l’échec:
Nous sommes de plus en plus coincés dans une société de performance et de réussite. Pour apprendre à marcher, on doit pourtant tomber. On s’attarde souvent au moment où un enfant commence à faire ses premiers pas, mais il serait intéressant de plutôt se demander à quel moment il a débuté son processus pour essayer d’y parvenir.»
Pour lui, il demeure important de célébrer l’échec et d’en parler positivement. Il fait partie de nos vies et mène à la réussite.
Redéfinissons le fail, proposait-il, il s’agit du prix à payer pour l’essai. Le manque d’échecs résulte de l’immobilisme. Associons les échecs à la bravoure. Si on veut changer le monde, on doit échouer.»
Crédit photo: Charles Mercier