Que pensent les spécialistes marketing de Threads, le nouveau concurrent de Twitter version Instagram ?
25 août 2023
Dans sa version bêta lancée le 5 juillet dernier, l’application Threads ressemble à une version « sobre » d’Instagram, avec une inversion de hiérarchie texte-image. La chose s’explique… étant donné que la plateforme a été conçue par l’équipe d’Instagram ! Mais il y a plus. Si on prend un pas de recul, on comprend que le projet s’inscrit dans un mouvement plus large de décentralisation des médias sociaux. Voyons les contours de cette nouvelle application concurrente de Twitter dans l’animation de la « conversation publique ».
Avec l’application Threads (« fils » en français), le fondateur de Facebook – Mark Zuckerberg – veut créer un espace virtuel pour participer à la conversation publique.
Je le vois comme si Twitter était la plateforme de droite, et Threads de gauche, résume Olivier Lambert, spécialiste marketing et cofondateur de Leadlion. Musk et Zuckerberg semblent diviser les gens, et chacun choisira son camp. Je trouve ça dangereux en termes de qualité de l’information, prévient-il. Ça pourrait polariser l’auditoire et les informations. »
Voilà pour le risque, disons, à long terme. À brève échéance, Threads est loin de ressembler à un lieu de débats polarisants. Pour s’inscrire aux « Fils », on doit passer par son compte Instagram. On nous demande ensuite si on veut importer nos abonnements d’Instagram.
D’ailleurs, c’est un peu grâce à cette « passerelle » que Threads a pu faire le plein d’utilisateurs à la vitesse de l’éclair, anéantissant au passage tous les records d’abonnements de l’histoire récente des plateformes numériques (100 millions d’utilisateurs en 5 jours).
La vibe de la plateforme, forcément, est celle d’Insta. Pour le moment. En tant qu’utilisateur, on a l’option de publier des compositions de 500 caractères (au lieu des 280 de Twitter) accompagnées de photo, vidéo, carrousel ou lien URL. En version bêta, la navigation apparaît rudimentaire :
Pas de hashtags. Pas de recherche possible. Je n’ai même pas l’impression que les abonnés voient bien les publications, annonce le stratège en médias sociaux, Alexis Michel, qui a déjà près de 1 000 abonnés sur l’application, dans une publication LinkedIn. Pour l’instant, ajoute-t-il, j’ai observé 2 choses: il faut publier beaucoup pour que, dans la masse, certaines publications ‘popent’ dans le fil d’actualité des gens. Interagir avec les autres permet de vraiment booster sa visibilité. Mais à part ça, rien d’incroyable à dire. »
Et les marques, dans tout cela?
Quand un nouveau média social voit le jour, la première chose que les marques se demandent, c’est : faut-il y aller ou faut-il attendre? Autrement dit : Qu’est-ce que j’ai à y gagner? Et Est-ce que mes clients y seront ? Dans le cas de Threads, la réponse courte est «oui, faut y aller», car l’effort à consentir pour investir la plateforme est minime.
Je ne perdrais pas de temps et j’irais! assure Olivier Lambert. Ce sont les mêmes audiences qui suivent déjà votre page sur Instagram qui seront sur Threads. Par exemple, je suis abonné à la page de PGA Tour sur Instagram, quand je suis sur Threads, comme j’ai activé le suivi des pages threads de mes pages sur Instagram, ça m’a automatiquement abonné à PGATour. Les marques “conservent” donc leur auditoire Instagram sur Threads. Dès qu’un de mes abonnés Instagram active son compte Threads, je le suis automatiquement! »
Les marques, toutefois, devront attendre pour promouvoir leur contenu.
Il n’y a aucune publicité dans le fil d’actualité, explique Francis Jette, spécialiste en création de contenu Web et formateur Isarta. Ceci dit, Meta est toujours à la recherche de solutions afin de monétiser ses plateformes et renflouer ses coffres après avoir englouti plusieurs milliards dans le métavers, alors il ne serait pas surprenant de voir cette position évoluer au fil du temps…»
Défendre la liberté sur le Web
Lorsqu’on s’inscrit à la plateforme, Threads nous annonce qu’une version ultérieure de l’application sera compatible avec le « fédivers ».
Bientôt, vous pourrez interagir avec des personnes sur d’autres plateformes du fédivers, comme Mastodon, et vous abonner à leur compte. Elles pourront également vous trouver à l’aide de votre nom d’utilisateur. »
Le fédivers a de particulier qu’il opère sur des serveurs « distribués », donc décentralisés. Cette nouvelle bête de médias sociaux est au cœur de la bataille de la liberté d’expression sur le Web, dans sa version purement américaine. Dans un réseau «distribué», la modération se fait par la communauté d’utilisateurs, car les « opérateurs » du réseau n’ont pas le pouvoir de censurer du contenu, de la même manière que l’on ne peut effacer des opérations sur la chaîne de bloc. Pour s’initier au concept, on peut écouter l’épisode 1970 de Joe Rogan Experience, avec le cofondateur du réseau social Minds.
Lors du lancement de Threads, Meta a effectivement annoncé son intention de soutenir ce mouvement :
Nous travaillons pour bientôt rendre Threads compatible avec les réseaux sociaux ouverts et interopérable, ce que nous croyons être l’avenir de l’Internet »
Voyons si une telle belle promesse peut tenir la route!