Télétravail : gare à « collaboration hyperactive»
4 août 2022
Depuis le début du télétravail pandémique, les spécialistes en organisation du travail ont répété ad nauseam l’importance de la communication; ils ont demandé aux managers de communiquer plus souvent avec leurs équipes, de multiplier les points de contact, d’ouvrir les canaux, de dissiper les quiproquos et les malentendus. Deux ans plus tard, se pourrait-il que l’on ait basculé dans une ère « d’hypercommunication » virtuelle, qui engendre ses propres problèmes?
C’est la question que pose le formateur agréé Mario Côté dans une publication récente du site Facteur RH, le 1er juin dernier.
Plusieurs équipes ont multiplié les rencontres virtuelles lorsqu’elles ont été propulsées en télétravail. Il n’y a pas nécessairement de mal à cela, le temps de se réorganiser, mais est-ce vraiment nécessaire à long terme? demande-t-il. Les interruptions entre collègues, via de multiples canaux, pour clarifier certaines choses se sont aussi avérées beaucoup plus fréquentes. À moyen terme cependant, veut-on continuer de multiplier les canaux de communication et ces interruptions présumément collaboratives, mais si dommageables pour l’efficacité individuelle?
La réponse est non, de toute évidence. Pour mieux comprendre les dommages d’une communication qui se fait « à tort et à travers », Mario Côté s’est inspiré des recherches de l’Institut de recherche Glensler.
Glensler Research Institute propose un modèle intéressant visant à créer un temps approprié pour chaque dimension du travail en équipe dite distribuée.»
Il y a quelques années, bien avant la pandémie, l’Institut s’est penché sur l’impact des bureaux à aire ouverte – alors de plus en plus fréquents – sur la concentration des travailleurs. Or, il s’avère que le travail en open space a des points en commun avec un télétravail qui se fait en « hypercollaboration ». Tout le temps dérangé, un travailleur perd en productivité.
Des stratégies d’organisation du travail qui sacrifie la concentration individuelle pour poursuivre une plus grande collaboration vont récolter une diminution de l’efficacité sur les deux plans », concluaient les chercheurs.
Mario Côté reprend les enseignements de l’Institut de recherche et les applique à la réalité du télétravail.
Le modèle met en perspective des moments d’intense concentration sur certaines tâches et des moments d’intensité moindre permettant des pauses ou une collaboration spontanée. Il ajoute également les dimensions nécessaires de temps pour soi versus le temps requis pour l’équipe. »
Du temps pour chaque mode de travail
L’idée est donc de prévoir du temps pour chaque type de travail. Voyons plus en détail les six modes de travail identifiés par le Glensler Research Institute.
Tout d’abord, il y a le « focus » (où l’on coupe les communications pour se concentrer sur un problème complexe), la « collaboration profonde » (où l’on brainstorm en équipe sur un problème bien circonscrit) et la « collaboration régulière » (où l’on se questionne et se répond dans un esprit itératif, en mode asynchrone, à mesure que les problèmes surviennent). À cela s’ajoute un mode de «collaboration légère », donnant lieu à des conversations spontanées entre collègues:
Une manager me disait avoir mis en place un coin de porte virtuel à son agenda, un jeudi matin aux deux semaines, pour permettre aux membres de son équipe, en présence ou à distance, de bénéficier d’un temps de qualité pour discuter avec elle d’un enjeu particulier, illustre Mario Côté. Il faut se rappeler que ces moments permettent de développer la confiance en renforçant les liens entre les membres de l’équipe et en favorisant la socialisation entre tous. »
Ensuite, un horaire de travail équilibré inclura deux plages nécessaires pour grandir et se ressourcer professionnellement : du temps à l’apprentissage et à la déconnexion.
Le monde du travail change rapidement, explique-t-il. Les compétences de chacun doivent aussi évoluer constamment. Citrin & Derosa (2021) suggèrent que chaque équipe consacre au moins quatre rencontres annuellement au développement collectif. Il est intéressant de voir que Glensler Research Institute a placé l’apprentissage au cœur de son modèle également. »
Au moment où plusieurs s’apprêtent à partir en vacances, il est pertinent de rappeler cette précieuse phase de la collaboration, qui est la déconnexion.
Nous avons besoin de périodes de repos, rappelle Mario Côté. Cela implique également une non-disponibilité temporaire aux autres pour se ressourcer : prendre le temps de s’arrêter pour dîner, sortir de sa maison, en télétravail, pour aller marcher en milieu d’après-midi entre deux réunions, se déconnecter de tous les moyens de communication en soirée. Prendre de vraies vacances… »
Souhaitons-nous de vraiment couper les communications, et de nous ressourcer pleinement durant les vacances!