Facebook polarise l’information
Depuis les élections américaines de 2016, les fausses nouvelles explosent sur Facebook. Jeff Yates, l’inspecteur viral du journal Métro, a fait le point sur le sujet lors de sa conférence de la Toile des Communicateurs Les faussetés sur le Web: un vrai problème, présentée à la salle TÉLUQ et en webdiffusion le 25 janvier dernier.Â
31 janvier 2017
Comment avoir un débat de société sain si chacun s’enferme dans une bulle Facebook?», s’exclamait Monsieur Yates.
L’isolement malgré le réseau
En 2016, 63 % des gens utilisaient Facebook pour s’informer. Le problème: le média social se trouve en ce moment accusé de plutôt désinformer. Le partage d’informations sur la plateforme, rapidement, impulsivement, sans aucune vérification, en sortant la nouvelle de son contexte, donne place à un écosystème parfait pour la propagation de fausses nouvelles.
En cliquant «j’aime» et en s’abonnant à des pages, on se crée une bulle autour de soi, car Facebook veut nous montrer uniquement ce que l’on préfère. Si on partage juste les pages d’une certaine idéologie, on ne voit plus que ça.
De surcroît, on peut bloquer les amis ou les pages qui partagent des opinions contraires aux nôtres. Cela nous donne donc une vision de l’actualité sous un seul angle.
Les motivations des imposteurs
Pour bien comprendre le sujet, on doit établir une distinction entre satire, mauvais journalisme et fausse nouvelle. Cette dernière s’avère créée uniquement dans le but de tromper les gens. Elle présente de fausses informations  sous la forme d’une vraie nouvelle. Ce processus attaque le travail de journalisme.
Pourquoi des gens se donneraient autant de mal, au point de faire tomber de sérieux rédacteurs dans le panneau? Pour aller chercher des clics. Ce qui génère de l’argent grâce aux publicités placées sur leur plateforme, qui ressemble à une véritable vitrine d’information.
Aujourd’hui, n’importe qui avec 90 $, une bonne connexion Internet et le logiciel WordPress peut avoir autant de portée que le New York Times. En Macédoine, lors de l’élection présidentielle américaine, un jeune de 17 ans a obtenu un meilleur score que le célèbre journal en écrivant de son sous-sol.
Les créateurs de fausses nouvelles peuvent en tirer beaucoup d’argent. Un propriétaire d’un site d’articles mensongers a révélé à un journaliste du New York Times qu’il touchait l’équivalent d’un salaire de médecin. Celui-ci sous-traitait même l’écriture de textes à un couple aux Philippines.
La propagation de canulars
Facebook compte 1,3 milliard d’usagers. Tout le monde possède un compte Facebook. Le nombre de gens connectés au populaire réseau social favorise évidemment la propagation d’informations erronées.
L’humanité n’aurait pas pu inventer de meilleure plateforme pour la propagation de fausses nouvelles», disait Monsieur Yates
La façon dont l’usager type interagit avec Facebook contribue aussi au phénomène des fausses nouvelles. On utilise le média créé par Mark Zuckerberg dans l’instantanéité. L’internaute s’en sert en ayant une réaction émotionnelle comme s’il se trouvait seul devant son ordinateur: il se confie en écrivant, puis il partage.
Les journaux boudés
Maintenant, Facebook est devenu le média que l’on consomme à la place du média d’information. Plutôt que d’aller sur le site du Devoir, par exemple, les gens se rendent sur Facebook.
Dans les journaux, une équipe qualifiée et de bonne foi filtre l’information. Celle-ci est positionnée selon son importance; il y a un travail de présentation de la nouvelle.
Sur Facebook, tout se trouve pêle-mêle et sorti de son contexte. De plus, la source de ce qui est posté se voit difficilement. Dans le fil d’actualité de la plateforme, tout semble identique en termes d’importance, ce qui donne l’impression que tout a le même poids.
Les modérateurs qu’on y trouve ne sont pas des journalistes chevronnés qui vérifient les faits et leur provenance, mais votre oncle, votre voisin ou encore votre collègue. La place que prend l’information dépend uniquement des partages.
La longueur d’avance du faux
Selon une étude de BuzzFeed, les publications mensongères demeurent celles qui fonctionnent le mieux. Pourquoi? Ce qui marche est souvent ce qui choque. Lorsqu’on invente de toutes pièces, il est beaucoup plus facile de créer une histoire qui suscitera des réactions.
Le résultat: chacun a ses propres faits. Avant, les gens s’entendaient sur ce qui était arrivé, mais pas nécessairement sur l’interprétation. Aujourd’hui, on ne s’entend même plus sur ce qui est arrivé. Chacun a le droit à son opinion, mais à ses faits aussi.
Tout cela crée un contexte où les gens s’habituent vite à voir uniquement l’information qui concorde avec leurs croyances, dès qu’ils voient autre chose, ils crient à la fausse nouvelle et changent de canal.
Les solutions
Maintenant, comment départager le vrai du faux? Comment retrouver confiance en nos médias et les sortir de la crise financière?
Facebook et Google ont annoncé des mesures visant à couper les revenus aux sites de fausses nouvelles. Il s’agit d’une bonne idée, selon Monsieur Yates, mais certains ne font pas cela pour l’argent. Leur interdire de placer des publicités sur leur site ne changera pas leurs motivations, souvent idéologiques.
Facebook a récemment aussi annoncé un projet visant à contrer les fausses nouvelles. Toutefois, celui-ci demeure très expérimental, complexe à utiliser et difficile d’accès au Canada.
La responsabilisation
Selon l’inspecteur viral, la solution passe par vous. Vous devez vous renseigner, éduquer vos contacts et les sensibiliser. Vous êtes un mini média de masse avec un auditoire. Vous avez donc la même responsabilité que les médias de masse traditionnels: la vérification. Vérifiez vos sources.
Une bonne façon de vous assurer également de ne pas propager de fausses nouvelles consiste à lire avant de partager. Étonnamment, la plupart des gens partageraient les articles avant d’en connaître le contenu. Dès qu’ils voient quelque chose avec lequel ils sont d’accord, selon ce qu’ils décèlent dans les grandes lignes, ils partagent. Cette action leur confère le sentiment qu’ils ont raison de croire à leurs idéaux.
Une expérience du journal Métro faite il y a deux ans prouve cette allégation. Des journalistes avaient créé un faux article, pour les besoins de la cause, affirmant que «Boire 4 verres de vin par jour aide à maigrir». Celui-ci a rapidement entraîné 3 000 partages. Pourtant, un gros encadré à l’intérieur même de l’article précisait que cette information n’était pas véridique, mais plutôt une expérience.
Il n’y a pas de décision, d’action ou d’opinion qui ne soit pas basée sur l’information, comme le rappelait Monsieur Yates. L’information demeure cruciale pour la société.
Soyez sages avec vos partages», concluait-il.
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